Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Une vie entre deux océans (The Light Between Oceans)


USA / 2016

05.10.2016
 



L’HOMME PIÉGÉ





«- Jamais je ne pardonnerai à cet homme tant que je vivrais.»

Derek Cianfrance aime les couples qui se déchirent, pour une raison ou pour une autre, les destins hasardeux qui obligent à se confronter à un passé qui hante. Avec Une vie entre deux océans, aux confins de l’Australie, il assume délibérément l’aspect le plus mélodramatique, au sens classique du terme, de ces thèmes de prédilection. Si le romanesque domine largement le scénario, entre guimauve et tragédie, il profite surtout des paysages somptueux et de ses excellents acteurs (Michael Fassbender très subtil) pour apporter une dimension cinématographique.

Sans doute emporté par l’ennui qui peut régner dans ce genre de contrées isolées, le réalisateur n’a pas su insuffler le bon rythme pour nous captiver de bout en bout. Scindé en deux parties, la première paraît très lente et peu inspirée comparée à la seconde où les événements et l’arrivée d’un troisième personnage (Rachel Weisz, toujours impeccable), permettent davantage de dynamisme.

Vents et marées

Film bipolaire, entre deux mondes justement, Une vie entre deux océans vogue entre des eaux troubles, calmes ou agitées. A trop remplir la barque, parfois, il se noie. L’histoire met ainsi du temps à démarrer. Son installation est aussi longue que pesante et le personnage d’Alicia Vikander n’aide pas réellement à nous passionner. Après deux fausses couches qui la mènent au bord de la folie, un bébé échoue sur leur île perdue, dans un canot. Le père est mort. Entre offrande divine et cadeau empoisonné, cette petite fille va grandir joyeusement. Il faudra attendre son baptême pour que le passé revienne en force, la conscience soit torturée, la culpabilité s’invitée.

C’est une belle œuvre sur la hantise et le devoir de vérité. Située entre la ville de Paratageuse (mais pas trop) et l’île de Janus (le double visage de Vikander finalement). Hélas, elle un peu trop lisse pour nous faire ressentir quoique ce soit. Si la musique nous emporte, si la vitesse s’accélère, si l’intrigue s’intensifie et certaines séquences sont très belles, notamment les plus naturalistes, le film manque d’ampleur et d’émotion. A partir d’un tel dilemme qui s’offre aux parents (garder leur enfant ou pas), on espérait un peu plus de tripes pour nous étreindre.

Reste le mystère dans les regards, les non-dits et l’incertitude de l’épilogue. Finalement c’est lorsque le couple se désagrège que le réalisateur, retrouvant ses marques, parvient à reprendre le contrôle de son film. Non pas qu’il fasse de ce drame une œuvre originale mais au mois la rend-il efficace et fidèle au genre, respectueuse des codes et soumise à ses règles.

Mère et mer

Entre deux mères, entre deux mers, le personnage du mâle dominé s’efface. Il ne vit déjà plus vraiment dans le monde depuis la Guerre. Il vit à l’écart du monde, en gardien de phare. Il est celui qui guide, celui qui éclaire (en révélant la vérité au bout d’une heure et demi de film au ). Mais il est aussi celui qui ne peut pas empêcher les tempêtes de fracasser les bateaux, qui ne peut pas lutter contre deux femmes prêtes à tout pour récupérer leur progéniture. Il est entre leurs mains, leur folie.

C’est l’un des plus beaux personnages masculins de ces derniers temps au cinéma. Victime d’un pacte cruel entre deux femmes, coupable d’être innocent, complice criminel par amour, il n’a plus qu’un espoir : que sa femme choisisse l’amour, la rédemption. Le pardon face au ressentiment.

L’épilogue est moralement correct, happy end supportable et acceptable. Mais ce n’est pas ce dont on se souvient. Car il ne reste plus grand chose une fois la belle histoire racontée, hormis cette scène parfaite sur l’île, quand elle et lui courent l’un et l’autre vers la barque échouée, où crie un bébé. Elle dévalant la colline, lui galopant sur la plage. L’acmé du romantisme.
 
vincy

 
 
 
 

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