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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Miss Peregrine et les enfants particuliers (Miss Peregrine's Home for Peculiar Children)
/ 2016
05.10.2016
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MISTER TIM ET SON UNIVERS PARTICULIER
«Il est temps de voir de quoi tu es capable!»
Mister Tim nous avait bien manqué. Il faut bien le dire ses dernières œuvres étaient loin de ce qui nous avait enivrés chez ce talentueux monsieur Burton. Entre les deux volets d'Alice au pays des merveilles (rien d'éclatant) et Dark Shadows (un viol visuel), nous nous étions fait une raison : le papa du sublime Edward aux mains d'argent est en retraite anticipée, coincé entre une machinerie hollywoodienne un peu fade et une tentation d'être fidèle à sa noirceur incompatible avec l'époque!
Mais voilà, Tim Burton est tombé sur le livre de Ransom Riggs, Miss Peregrine et les enfants particuliers, et le génial inventeur de mondes qui nous avait offert des univers merveilleux tel que celui de Jack Squelleton (L'étrange Noël de Monsieur Jack) a trouvé là une fable parfaitement adaptée, où les effets spéciaux visuels sont au service de l'effet spécial principal: l'inventivité.
Car si Miss Peregrine et les enfants particuliers rappelle Edward aux mains d'argent, son œuvre la plus authentique (et sans doute la plus personnelle: n'est-ce pas lui Edward après tout?), il s'agit surtout de son film le plus européen, le moins américain, comme si son "gothisme" devait lui aussi s'épanouir aux origines géographiques de son style.. Entre les enfants surnaturels et Eva Green (superbe, sublime, charismatique) qui en impose, nous sommes projetés dans un monde, son monde, où on s'y perd avec plaisir.
Avec l'adaptation d'un livre fantasmagorique illustré de nombreuses photos lyriques, Burton avait le bon matériau pour revenir aux sources tout en étant dans l'air du temps. A cela s'ajoute que le cinéaste se frotte pour la première fois à une métaphore de l'Histoire, une histoire vraie transformée par la magie de la littérature jeunesse, ce qui donne une dimension particulière à ce film dans la filmographie trentenaire du plus british des cinéastes américains.
Message caché
Il est évident que ces enfants contraints de vivre à l'écart du monde car un méchant (Samuel L Jackson) tente de voler leurs pouvoirs, n'est pas sans rappeler la triste époque nazie! «Nous vivons cachés ici depuis toujours». Clin d’œil à cette époque morbide, Miss Peregrine qui arrête (grâce à sa montre qui contrôle le temps) des bombes nazies visant leur demeure. Tout comme les créatures qui veulent les anéantir, des corps difformes, maigres et blancs ajoutons à cela la métamorphose de Samuel L. Jackson en blond décoloré et yeux bleus. Après tout, qui a dit que divertir ce n'était pas instruire?
Avec maestria, malgré l'avalanche d'effets, Burton manipule le temps, nous faisant tourbillonner dans des ellipses et des boucles temporelles. Un "Time-Loop" ludique et, parfois, vertigineux. Un jour sans fin... Il y a aussi du X-Men dans le pitch, mais c'est avant tout une parabole sur la nécessité de préserver la différence: les enfants ont tous un don précieux, même s'ils sont rejetés ou ignorés par les autres. On peut aussi y voir l'allégorie simpliste d'un homme qui voudrait rester à l'abri du chaos extérieur, conserver son âme d'enfant, se protéger, dans le refuge de Miss Peregrine capable d'éviter la destruction massive de son "monde"...
Tim Burton s'ingénie alors à nous faire croire, sous les traits d'Eva Green, sa nouvelle Johnny Depp, que l'on peut tordre le temps, changer l'histoire, sauver les plus fragiles, les plus sensibles et les êtres à part. Il y a du sens derrière cette avalanche d'artifices et de feux follets. L'enfance est ainsi sacralisée et le réalisateur aimerait qu'elle soit éternelle. Qu'on puisse remonter le temps chaque soir pour rester immuablement le jour d'avant. Mais on sent aussi qu'il prend un (trop) malin plaisir à créer des monstres, à vouloir nous enchanter, en oubliant parfois l'émotion, l'incarnation et même la narration. Comme si ses créatures, sa machinerie l'emportaient sur le récit.
Tim Burton préfère l'insouciance à la conscience. Il n'empêche: son talent fascine toujours autant dès qu'il navigue entre l'innocence de ses héros boîteux et la distance avec le réel normatif et ennuyeux. C'est en cela où Miss Peregrine est bien plus intéressante qu'une Alice, trop naïve pour comprendre que c'est la société qui la rend malheureuse et rêveuse. Ici, comme avec Edward, Lydia ou Charlie, c'est bien l'horreur du réel qui les conduit dans des abris fantasmagoriques, et disons-le fantastiques.
Cynthia
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