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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'Odyssée
France / 2016
12.10.2016
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CAPITAINE, OH MON CAPITAINE!
"Les Américains partent à la conquête de l'espace... nous à la conquête de la mer!"
Un décor somptueux de campagne, une famille simple savoure le goût d'être ensemble. Dans les années d'après-guerre nous faisons connaissance avec la famille Cousteau, loin de l'eau et dans la lumière chaude de la nature et des dîners chaleureux avant de rentrer dans le vif du sujet: le grand bleu. La vie aquatique... (by the way, disons-le tout de suite, c'est aussi le titre du film de Wes Anderson inspiré par Cousteau et bien plus intéressant dans la relation père/fils).
Alors que dans la vie, Jacques-Yves Cousteau était connu pour ses profondeurs marines, Jérôme Salle a préféré mettre en abîme la relation père-fils, se centrant ainsi sur la sphère de l'intime. Plongée dans les abysses? On veut nous faire croire que le portrait est sans concession, explore l'intime. On va être déçus: le Commandant reste sur sa statue de commandeur indéboulonnable, loin des controverses politiques, des contradictions entre discours (écolos) et dragues (mercantiles), défendant les poissons et accolant son image à du poisson pané industriel, sans oublier son parler cash et indécent sur ses proches (entre humiliation publique et égotisme mégalo).
Ainsi cette relation père/fils conflictuelle (non, il n'y a pas de parties de pêche sous un soleil dominical) sert de caution à un portrait qui se veut critique. Certes, c'est parfaitement interprété par Lambert Wilson et Pierre Niney. Wilson est devenu l'ombre de Cousteau (son changement physique est plus que réussi) tandis que Niney use de ses talents afin de faire vivre l'un de ces fils, Philippe (l'autre n'est qu'un personnage secondaire hélas), un aventurier au cœur meurtri par l'indifférence de son paternel méprisant, égoïste, un vampire obsessionnel dénué d'affect.
Bon, reconnaissons que le personnage de Cousteau prend un autre aspect une fois que la gloire le frappe de plein fouet. Narcissique et hautain au point de négocier des millions avec des chaînes américaines, l'image du gentil papi des mers restera dans nos souvenirs d'enfant mais le scaphandre est un peu fêlé. Si au début du film nous découvrons un mari aimant et un papa présent, Cousteau délaisse sa famille pour sa passion, son travail, ce qui a le mérite de glacer un peu le spectateur. Bien que, guidé par le célèbre bonnet rouge, le film nous fait voir des paysages à couper le sifflet, les courses effrénées en mer au nom du profit et de la reconnaissance brisent toute émotion.
Pourtant, c’est la famille Cousteau qui anime le récit et plus particulièrement Simone, la femme de Cousteau merveilleusement interprétée par Audrey Tautou. Femme indépendante, rebelle et toujours digne malgré les épreuves, elle règne avec fougue sur ce long-métrage tel Cousteau sur les mers. Les baleines bleues et autres créatures marines ne peuvent rivaliser avec elle. On aurait peut-être aimé voir un film plus équilibré au sein du groupe au au contraire carrément ignorer cette facette personnelle du "lanceur d'alerte". L'Odyssée est belle mais bancale, elle évade sans nous bouleverser.
Car le film ne reste pas captivant de bout en bout, la prestance des acteurs compense partiellement ce relâchement. L'Odyssée est avant tout un bel hommage à Cousteau, mais certainement un biopic intraitable ou une œuvre esthétique et allégorique (à l'instar de Saint Laurent) sur ce marin et écologiste qui a éveillé les consciences, fait rêver par des films inoubliables, et fait rayonner l'ingéniosité française à travers le monde. Cynthia
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