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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Polina, danser la vie
France / 2016
16.11.2016
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LA POUPÉE RUSSE
«- Vous n’êtes pas très souple.»
Polina, adaptation de la magnifique bande dessinée éponyme de Bastien Vivès, est plus proche des Chaussons rouges que de Black Swan, de Dancer in the Dark que de Showgirl. L’itinéraire de cette jeune danseuse russe est avant le récit d’une initiation à un art exigeant et de l’émancipation d’une adolescente qui cherche sa propre manière de s’épanouir dans cet art.
La danse est d’abord classique, une ambition, celle de sortir de sa condition sociale, en Russie. Elle devient une passion, aussi bien amoureuse, en suivant un danseur français à Aix-en-Provence, qu’artistique, en passant au moderne. Elle finit à Anvers, lieu d’errance pour une égarée paumée qui va se trouver en construisant ses propres mouvements, en se mélangeant avec les rythmes de notre époque. C’est l’Histoire de la danse, d’un parcours logique pour un danseur.
Angelin Prejlocaj et Valérie Müller réussissent là un drame séduisant (pour qui aime la danse). En s’éloignant de l’esthétique de la BD et s’appropriant un langage qui leur est propre, ils signent un film qui allie une passion pour le cadrage, les décors, l’architecture, le jeu des acteurs et pour la danse comme expression corporelle, esthétique presque charnelle, illustration des sentiments. La danse a rarement été aussi bien filmée. Et les chorégraphies sont proprement magnifiques. En plan large ou serré, sans jouer l’immersion factice, les réalisateurs proposent un spectacle où la caméra sert d’œil et nous dicte le geste qu’il faut suivre.
Il y a évidemment quelques passages obligés : la souffrance et les larmes pour parvenir à l’équilibre parfait, le bel Apollon qui servira à se séparer du père adoré, la grâce des corps et la puissance des muscles. C’est aussi un documentaire sur la difficulté d’harmoniser sa vie personnelle avec cet art vampirisant, sur la banalité du quotidien d’une artiste et l’originalité d’un métier tendant uniquement vers la beauté. L’utile et le futile se mélangent comme les blessures physiques et les bleus à l’âme se confondent.
Mais ce que montre Prejlocaj et Müller c’est le danger de l’obsession que peut provoquer la danse : on peut s’oublier, ne plus être connecté au monde. Se laisser dévorer par son art. Polina, blonde devenue brune, tantôt solaire, tantôt renfermée, descend aux enfers, loin des dorures du Bolshoï, en s’épuisant dans la précarité, la nuit, la solitude. C’est bien la singularité de sa vie qui nous fait vivre cette histoire sans réels drames, sans pathos ou tragédie. Parfois, cependant, le scénario s’oblige à quelques séquences classiques, convenues, sans doute pour ne pas perdre le spectateur. Il étire le tempo, comme on relâche un muscle. Heureusement, il compense souvent avec des scènes plus métaphoriques et allégoriques. Notamment ce superbe final, lyrique, dont on ne sait pas s’il est fantasmé ou vécu.
Danser la vie c’est s’imprégner d’elle, s’en inspirer et vivre pour danser. Danser c’est rendre l’enchaînement des mouvements fluides et faciles afin d’oublier la difficulté et les échecs surmontés pour y parvenir. C’est bien dans ces ellipses que le film puise sa beauté. Une beauté particulière, un peu brute, jamais sublimée. Un conte de fée où Polina, princesse russe anonyme, s’est muée en Reine de son propre royaume grâce à l’influence d’un sorcier tyrannique et bienveillant, d’une marraine sage et humaine et d’un Prince charmant charismatique et aimant.
C’est autant le portrait d’une jeune fille comme les autres – ses amis, ses amours, ses emmerdes – que le patient apprentissage d’une pratique artistique. Polina est à ce titre une double expression : celle d’une femme et celle d’une artiste, toutes deux en devenir. Comme tout film sur la jeunesse, Polina doit choisir sa voie et écouter sa voix. En solo ou avec un pas de deux.
vincy
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