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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Souvenir
Belgique / 2016
21.12.2016
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BESOIN D’AMOUR
«- Vous n’avez pas du tout changé. Même votre coiffeur n’a pas changé. »
Pour apprécier cette sucette à l’anis, sucrée et acidulée, il faut un certain sens du second degré. Car ce film du belge Bavo Defurne peut laisser froid comme il peut toucher les cordes sensibles.
Une charcutière en usine, d’un certain âge, comme échappée d’un film des Dardenne, va se muer en princesse d’un Jacques Demy kitsch. Voilà pour le conte. Isabelle Huppert parvient sans difficulté à opérer sa métamorphose, déclenchée par une passion amoureuse imprévue, aussi à l’aise pour faire ses pâtés que pour enfiler ses longues robes de soirée. Prisonnière avec consentement de sa routine mortifère, figée dans un appartement des années 1970 qui fait écho à sa gloire passée de l’époque, Liliane, son personnage, passe le temps avec du whisky, de l’aspirine, des sandwichs maison et un jeu télévisé ringard. Ça pourrait être pathétique.
Heureusement, elle croise par hasard un jeune boxeur qui a l’avenir (radieux) devant lui. Incarné par Kevin Azaïs, ce charmant jeune homme tatoué (aussi viril avec des gants de boxe que sexy en boxer) va réveiller le belle à la voix dormante.
Si le récit en lui-même comporte pas mal de maladresses (notamment en écartant sans ménagement sa vie de travailleuse dès qu’elle se remet à chanter), s’il est difficile de croire qu’Huppert a la voix nécessaire pour gagner (ou avoir gagné) l’Eurovision, le mélange entre les univers réalistes (mais esthétisés), romantiques et fantaisistes est plutôt réussi.
Les souvenirs refont ainsi surface et l’espoir de revivre sa belle vie d’avant devient le moteur de cette femme qui n’a pas su remonter la pente après sa douloureuse chute. Il n’y a cependant aucun psychologisme. Souvenir est une fable, avec son lot de personnages pittoresques. On pourrait reprocher la trop grande importance du concours de chant dans l’histoire. Mais les chansons en elle-même (et leur mix entre air suranné et pop vintage) donnent du pétillant en surface.
Du mousseux plus que du champagne, ce film ? Certainement. Mais la saveur et l’émotion sont ailleurs. Car, malgré la différence d’âge, et parce qu’Huppert a bien compris où était l’intérêt de cette histoire en laissant de la place et de l’écoute à son partenaire masculin, la fable de la cougar et du boxeur semble évidente de bout en bout. On y croit toujours, on espère à chaque rebondissement : l’histoire d’A est la plus forte. Leur intimité, leur complicité, leur complémentarité les rendent forts, indestructibles.
Elle qui s’est éteinte pour ne pas souffrir, va tenter de raviver les blessures et se brûler les ailes aux spotlights, pour revivre. Ce ne sera pas facile. L’âge n’est jamais en question. Il s’agit plus d’honnêteté, de sincérité. S’il faut un happy end, dans cette comédie romantique et musicale un peu décalée (comme souvent les films belges), il ne peut surgir que d’un moment où l’une ou / et l’autre se mettent à nu en avouant le besoin primal d’être enlacés, malgré les préjugés, les injustices et les failles de chacun. C’est Elle et Lui. Une série d’actes manqués qui aboutit à l’imparable : manquer à l’autre serait insupportable. Plutôt que d’avoir des regrets, autant alors construire des beaux souvenirs.
vincy
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