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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Hedi, un vent de liberté (Inhebek Hedi)
/ 2016
28.12.2016
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LE CHOIX D’HEDI
«Laisse le respirer maman !»
Pour son premier film, tardif, Mohamed Ben Attia dessine un portrait sensible et délicat des contradictions de la Tunisie après le printemps arabe. A travers le personnage d’Hedi, incarné avec justesse et sans fioritures par Majd Mastoura, le cinéaste explore les contradictions et les dilemmes d’une nation embarrassée par sa liberté soudaine. Dans ce cadre général, pourtant, on retient avant tout le cas particulier d’un jeune homme, écartelé entre deux cultures et deux façons d’appréhender le monde et le lien social.
Cette chronique sociétale doublée d’une épopée individuelle oppose subtilement les contraintes personnelles et professionnelles, les traditionnalistes et les modernistes, ceux qui étouffent et ceux qui soufflent. Hedi est de ceux qui ne respire pas, coincé par un job alimentaire qui ne l’intéresse pas, une mère qui régente toute sa vie jusqu’à son argent dûment gagné, une future épouse qui suit un destin tout tracé sans s’interroger sur son existence. Il est traité comme un petit garçon, au mieux, comme un bon à rien, au pire.
Aussi, lorsqu’au détour d’une journée à la plage qu’il s’octroie, il rencontre Rim (formidable Rym Ben Messaoud), sa vie va imploser et les tentations sexuelles, les ambitions professionnelles, les aspirations individuelles vont l’assaillir. La beauté de ce personnage est de ressentir par un petit sourire, par la nuance d’un coup d’œil cette liberté qui l’envahit, cette joie d’être solitaire et heureux.
Il transgresse progressivement les règles, s’affranchit et se confie. Le voyage intérieur d’Hedi se fait par petites étapes. On découvre peu à peu ses blessures, ses cicatrices. Le récit est joli, le jeune homme est charmant. Mais cela ne manque pas de relief. D’autant que Ben Attia filme la Tunisie sans concession. Celle de la crise économique, vide de touristes. Celle des rendez-vous clandestins dans une voiture la nuit. La Tunisie où on se cache pour aimer et la Tunisie où on peut s’éclater avec une danseuse d’hôtel. Les deux faces d’une même pièce.
Final accéléré et tendu
Cela aurait pu être binaire et c’est une palette de gris qui se révèle. Par ailleurs, l’intrigue, même si elle est classique, s’offre un dénouement en suspens: le choix d’Hedi entre l’épouse promise selon les traditions et la femme libre qui n’a pas de frontières. Après des plans contemplatifs, des séquences de solitude ou des scènes répétées pour illustrer une vie aliénante, le scénario s’accélère au moment où une transe musicale sert de catharsis. Le fils face à sa future éventuelle épouse, face à sa mère, face à son amante : il mesure les gouffres, tente de créer du lien, cherche sa voie, crache les vérités, confesse ses doutes et ses mensonges. L’empathie qui se dégage de son personnage, profondément humain, encourage le spectateur à le voir heureux. La fin est ouverte, nous laissant avaler un grand bol d’oxygène après vingt minutes de tensions et d’émotions. Car Hedi est, à sa manière, bouleversant.
Il n’a besoin de personne pour atteindre son bonheur, pour vivre sa vie. Peu importe la destination, et tant pis si l’horizon est flou. Après tout, il a toujours vécu entre deux. La réalisation, elle, est précise. Suffisamment pour nous faire tirer les larmes tout en étant soulager. Ni enfermement, ni exil : Hedi choisit son propre destin. Librement.
vincy
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