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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Jamais contente
France / 2016
11.01.2017
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LOST GIRL
"Elle est chiante, hein… On n’y peut rien, elle est née comme ça."
Elle est réjouissante, Aurore, l'héroïne "atrocement malheureuse" de Jamais contente. Bon, pas du point de vue de ses parents qu'elle rudoie et de ses sœurs qu'elle méprise. Pas non plus pour ses professeurs, qu'elle déconcerte. Et pas même pour ses copines, qu'elle exaspère. Mais indéniablement pour le spectateur, surtout s'il a à peu près l'âge du personnage. En effet, quelle jubilation de la voir envoyer balader tout et tout le monde avec la douceur et le tact d'un pachyderme, ou s'apitoyer sur son sort avec une grosse dose de mauvaise foi, ou encore balancer des énormités avec une candeur diabolique.
Oh, bien sûr, rien de bien nouveau sous le soleil : l'adolescence est perpétuellement symbolisée au cinéma par une certaine forme de maladresse, de colère, voire de violence, et le teen movie est un genre presque aussi foisonnant que la comédie ou le film d'action. Pourtant, ce Jamais contente adapté du Journal d'Aurore de Marie Desplechin nous offre un portrait d'ado mal dans sa peau qui déjoue avec humour les clichés du genre, et en propose une vision assez personnelle. Déjà parce qu'il est rare de voir une héroïne endosser le costume de l'ado brut de décoffrage, horripilante et ne cherchant surtout jamais à être aimable ou séduisante. C'est un rôle en général plutôt dévolu aux garçons, et parfois même réservé aux personnages secondaires. Ensuite, parce que le scénario ne s'infléchit jamais, évitant de "racheter" le personnage par un changement de comportement, ou une évolution soudaine. Aurore (merveilleuse Léna Magnien) ne devient ni tête de classe, ni parolière de génie, ni même fille ou sœur modèle. C'est telle qu'elle est, avec sa hargne et son franc-parler, qu'elle s'impose face au reste du monde. La fin ne laisse d'ailleurs aucun doute : elle ne fera jamais l'unanimité. Et tant mieux !
Emilie Deleuze soigne également les seconds rôles qui ne sont jamais de simples faire-valoirs. Les parents dépassés, la grande-mère cash, les profs un peu désabusés, les copains agacés (tous interprétés par des acteurs en grande forme) nourrissent l'intrigue et lui permettent de tenir la distance sans multiplier les effets ou les rebondissements. On a effectivement l'impression d'assister à une tranche de vie, presque une parenthèse dont on ne sait pas du tout à quoi elle va mener. Pour le savoir, sans doute faut-il lire la suite du roman, ou attendre le 2e film (?). Quoi qu'il en soit, il est plutôt rafraîchissant de voir un film clairement destiné à un public adolescent refuser de céder aux sirènes du drame facile, de la comédie à tout prix ou du romantisme obligé, mais au contraire se permettre de déjouer toutes les attentes : la scène de soirée est un fiasco, les histoires sentimentales tournent court et même le concert final a quelque chose de baroque. Pas de grande réconciliation ou de triomphe écrasant, mais un ton singulier pour parler de la vie de (presque) tous les jours. De quoi faire mentir le titre du film, finalement.
MpM
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