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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Corniche Kennedy
France / 2016
18.01.2017
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JOLIS JUMPERS
"On saute ensemble! Respire un bon coup avec moi…"
Musique rap, langage à faire trembler les cendres de Molière, Corniche Kennedy aurait pu être un énième film de racaille se déroulant dans les quartiers chauds de Marseille. Mais la délicatesse de sa réalisatrice nous plonge dans les abysses de l'adolescence à travers un film vif où la lumière, les mouvements des corps (presque sexuels et pourtant si pudiques), les voix et les dialogues stimulent sans cesse nos sens, tout en étant séduisant, habilement dérangeant, même si le film est aussi légèrement moralisateur.
Une fille, deux garçons: trois possibilités
Suzanne (la talentueuse Lola Créton) s’ennuie dans sa maison bourgeoise marseillaise au point d'observer avec fougue et désinvolture un groupe de jeunes qui s'amuse à sauter du haut d'une corniche au point de risquer leur vie. Provocation, envie de se sentir vivant ou rébellion, ce geste ne laisse pas de marbre la jeune fille, ni les passants. Elle va s'imposer dans ce gang et faire fondre les deux leaders Marco (Kamel Kadri, enivrant), beau gosse idéal, et Medhi (Allain Demaria, lumineux), qui impose une image rare au cinéma: celui du jeune mec normal et tendre, avec ses rondeurs et sa douceur.
Deux coups de respiration avec l'un puis avec l'autre et la voilà dans l'eau après plusieurs sauts. Une fois dans la mer, les mouvements des corps, cette manière presque érotique qu'a la caméra de suivre cette chair bouillonnante dans l'élément aquatique laisse entrevoir ce qui nous attend par la suite. C'est ce portrait de jeunesse qui touche juste dans ce récit un peu convenu et cherchant son équilibre. Avec sa lumière naturelle et écrasante, Dominique Cabrera filme ses ados désœuvrés et en révolte (le bac pour l'une, la société pour les autres), se défoulant en défiant leur vertige ou leurs peurs. Elle les filme sans préjugés, sans jugements. Acceptant leurs erreurs, accompagnant leurs doutes, s'associant à leurs peines.
En simultané, une histoire de deal (Marco arrondi ses fins de mois comme il peut) qui met en scène la police (Aïssa Maïga, dure comme il faut) et accélère le rythme du film sans l'alourdir. Il lui donne une noirceur. Si, en soi, la réalisatrice est moins à l'aise avec cette enquête de téléfilm où il s'agit de choper un gros caïd, cette histoire parallèle amène un autre danger qui menace le trio, leur insouciance et les oblige à des choix. Marco fera ainsi un pas vers la moralité issue du milieu de Suzanne, après que Suzanne ait fait un pas vers la vie périlleuse et libre de Marco.
Corniche Kennedy est un film qui booste les pulsions cardiaques. On envie de groupe de se sentir si détaché du monde brutal qui les entoure (le portrait est volontairement positif pour des jeunes désespérés). Le scénario souffre de langueurs, de répétitions. L'enqupete aurait mérité un traitement un peu plus complexe. Mais Cabrera a clairement choisi son camp et son inspiration ne laisse aucun doute: elle désirait filmer la jeunesse française d'aujourd'hui dans une ville aussi dénigrée qu'elle. Dans ce qui aurait pu être un simple documentaire sur des plongeurs de l'extrême, elle a préféré le vertige à la souffrance, l'amour fou à la protection et la sécurité. Cela rend l'œuvre épurée, sèche comme un arbuste dans la garrigue, lumineuse comme un reflet du soleil sur l'eau. On voit bien que la partie policière est là comme un prétexte afin de troubler ce Jules et Jim des temps modernes. Cynthia
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