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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les Fleurs bleues (Afterimage - Powidoki)
/ 2016
22.01.2017
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L'ART RÉSISTANT
Władysław Strzemiński est en train de peindre chez lui quand une immense bannière de Staline est dressée devant son immeuble : elle lui dissimule la lumière du jour et assombrit sa pièce de rouge, il va alors y faire un trou pour retrouver la lumière du soleil. Les ennuis vont donc commencer avec deux soldats à sa porte. En Pologne dans les années 50, il valait mieux suivre la doctrine politique en cours, y compris dans le domaine de l’art. Le cinéaste Andrzej Wajda en fait le sujet de Les Fleurs bleues, qui aura été son dernier film.
Le décès de Andrzej Wajda en octobre 2016 à 90 ans a été l’occasion de se rappeler que parmi sa quarantaine de films certains ont reçus les plus grandes distinctions. Quatre de ses titres ont été nommé à l’Oscar du meilleur film étranger mais sans l’obtenir, dont L’homme de fer qui avait obtenu la Palme d'or au Festival de Cannes en 1981. Il tourna alors ensuite quelques films avec des acteurs français comme Gérard Depardieu dans Danton (Prix Louis Delluc et César du meilleur réalisateur) ou Isabelle Huppert dans Les Possédés en 1988. Il reçu ensuite un Oscar d’honneur, un Ours d’or d’honneur à Berlin. Ce monument du cinéma polonais s’est donc intéressé à une autre figure artistique majeure de son pays : le peintre Władysław Strzemiński, qui partage avec lui une certaine opposition au parti communiste de l’époque. Une rapide parenthèse historique est nécessaire : quand en 1945 la France à été libérée de l’occupation allemande, la Pologne "nazie" a été soumise aux soviétiques. Andrzej Wajda a vécu de nombreuses années avec un stalinisme étouffant : c’est ce qu’il raconte avec différents point de vue dans plusieurs de ses films, dont cette oeuvre requiem.
La nation est en droit d’imposer des exigences aux artistes…
L’histoire commence par nous présenter ce Władysław Strzemiński déjà âgé, il est unijambiste à cause de la guerre et maitre de conférence en histoire de l’art à l’Ecole nationale supérieure des arts plastiques de Lodz. En ouverture, un cours en forme de discours - "une personne ne voit vraiment que ce qu’elle perçoit…" - nous présente cet homme comme un professeur très admiré de ses étudiants. Il les incite à s’inspirer de sa pratique de la peinture vers un formalisme d’avant-garde, une certaine géométrie de formes et de couleurs en vogue dans l’art contemporain de l’époque. Mais les autorités communistes dont le ministère de la culture imposent désormais que les tableaux se doivent d’être profondément réalistes pour représenter le travailleur et la patrie... Le gouvernement impose ce qui est accepté ou refusé dans le domaine de l’art, et Władysław Strzemiński aura le tort d’exprimer publiquement sa désapprobation à un officiel du ministère. Alors il sera renvoyé de son poste à l’école. Ailleurs on lui refuse un travail et même l’autorisation d’acheter des tubes de peinture. Sans revenus ni tickets d'alimentation, il commence sa descente progressive d'une bienveillante considération de ses idées vers une négation de son œuvre et même de sa personne. Le film se veut symbolique de la chape d’un pouvoir politique sur l’humain. On pourrait y voir un film historique. Mais c'est aussi ce qui se passe, encore maintenant, dans de nombreux pays.
Je ne m’oppose pas à vous, j’ai simplement une vision différente.
Une séquence sans vraiment de dialogues est particulièrement féroce dans un musée : les tableaux d’art moderne sont enlevés du mur. Ils ne peuvent plus être montrés car contraires à la doctrine politique en vigueur. Obligations et propgande font ainsi bon ménage, mettant les hommes au pas. Le film se déroule avec une sobriété de moyens (un rythme lent, une caméra peu mobile qui observe…) et l’intensité de la présence de l’acteur Boguslaw Linda, même s'il est difficile d’être totalement en empathie avec lui , homme particulièrement froid y compris avec ses proches.
Avec ces quelques séquences Andrzej Wajda est moins dans une contestation de ce qui était politique à son époque et plus dans une évocation douloureuse de la censure et de la répression. Les Fleurs bleues est d’ailleurs autant un genre de biopic de la fin de vie de Władysław Strzemiński qu’une sorte de reconstitution d’une période historique de la Pologne (surtout entre 1948 et 1952), qui peut être le reflet ou la résonance du durcissement du régime nationaliste actuel...
kristofy
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