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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Logan (Wolverine 3)
USA / 2017
01.03.2017
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LE CRÉPUSCULE DES DEMI-DIEUX
«- Charles Xavier, l’octogénaire le plus recherché d’Amérique...
- Je suis nonagénaire en fait.»
Encore un film de super-héros ? Comme les Westerns durant trois décennies, le genre s’est imposé au cinéma, aidé par les effets spéciaux. Mais Logan, disons-le d’emblée, pourrait échapper au genre, ou en tout cas, il en offre une variation pour le moins singulière.
Mad X-Man
Troisième et dernier épisode d’une trilogie consacrée au mutant Wolverine, le film de James Mangold ne reprend aucun code ni même l’esthétique des films de la franchise (ou même des autres franchises Marvel ou DC Comics). Logan est âpre, sombre, violent (avec quelques plans très sanglants), pour ne pas dire sans pitié. On est plus proche de Mad Max que des X-Men. Il suffit de comparer le beau château du Professeur avec le lieu paumé où celui-ci est désormais reclus : perdu dans le désert mexicain, écrasé de chaleur, entouré de poussière, de métal rouillé et de barbelés.
Le cinéaste, qui a par ailleurs cosigné le scénario, a fait un beau cadeau d’adieu à Hugh Jackman : Logan est un grand film crépusculaire, dont le personnage principal est au bout du rouleau. Le fait même d’en faire un (classique) road-movie classique à travers le cœur de l’Amérique (Oklahoma City, le Dakota), cette Amérique de cous rouges et de sympathiques chrétiens, où la nature est tantôt domptée par des OGM (autre forme de mutation) tantôt insolente de beauté et atemporelle, n’est pas innocent.
Wolverine est vieux, usé, fatigué. Il aimerait bien prendre sa retraite sur un beau bateau. Dès le prologue, on comprend que son don l’épuise. Chauffeur de limo en façade, il a quand même encore assez d’énergie pour sortir les griffes façons Freddy. Il est devenu le protecteur du Professeur Charles Xavier, qui ne contrôle plus sa force cérébrale, comme un vieux devient incontinent. Nous sommes en 2029. Les super-héros ne sont pas flamboyants. Marginaux, alcoolo ou junkie malgré eux, ils n’en mènent pas large.
Bonnes vibrations
C’est ce postulat qui intéresse et qui fascine. James Mangold a clairement voulu mettre un terme au mot super chez les héros. Leur existence semble une souffrance. L’éternité c’est long, surtout vers la fin, comme disait Woody Allen. Mais là, avec ce qu’il faut de scènes spectaculaires (mais étonnement sobres dans la mise en scène) et de violences brutales, on ne cherche pas la rédemption. Le cinéaste s’offre même une jeune mutante, sale gamine incontrôlable et instable, qui, avec ses airs de poupées mutiques, s’avère monstrueusement cruelle (et sensible, rassurez-vous). Personne n’est épargné, pas même la famille afro-américaine idéale pour laquelle la compassion est immédiate.
Famille recomposée
Ainsi un vieux papy un peu handicapé, un pré-retraité à bout de force et une gamine insupportable vont traverser l’Amérique du sud au nord, d’une frontière à l’autre, à leurs risques et périls, pour trouver un refuge. Des migrants pourchassés par une horde de salauds (une armée de soldats bien équipés, un mutant génétiquement artificiel et un docteur folamour). Le récit ajoute un sous-texte sur la transmission et l’héritage, manière de ne pas sombrer complètement dans le désespoir tant le destin de pas mal de protagonistes va connaître une issue fatale.
Chemin de croiX
C’est sans doute pour ça que Logan, entre deux combats à mort et une fuite suicidaire, passionne plus que ses congénères (et davantage que les deux précédents films de Wolverine). Parce qu’il raconte une véritable histoire, personnelle, intime, universelle d’un homme qui veut protéger sa famille plus que sauver sa peau. Outre qu’il est bien réalisé et que le style se démarque, comme on l’a dit, le film gagne en profondeur grâce à son épure et son minimalisme, et même une forme de réalisme. Ici, pas de costumes kitchs, pas de gadgets technos, pas de fin du monde avec compte à rebours. Il banalise le mutant et normalise les enjeux.
Bien sûr, il sait aussi manier la surprise (ainsi cette troupe d’ados mutants dont on ne découvre leurs dons que dans les derniers instants du match final) et prendre à revers nos certitudes de cinéphiles. Mais derrière toute cette épopée meurtrière, à la Bonnie & Clyde ou à la Sugarland Express, il y a une aspiration à montrer qu’un super-héros peut-être un personnage comme les autres dans une histoire intensément dramatique, ancrée dans une société où les minorités et les faibles n’ont d’autres choix que de se réfugier dans un monde meilleur.
vincy
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