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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Mate-me por favor
Brésil / 2015
15.03.2017
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LAND OF THE DEAD
"Le moi lyrique, bouffé par les vers."
Hasard du calendrier, Mate-me por favor, sélectionné à Venise en 2015, sort sur les écrans français le même jour que Grave de Julia Ducournau, sensation de Cannes 2016 présenté à la Semaine de la critique. Si on le mentionne, c'est que les deux films ont un peu plus en commun qu'une date de sortie. Ce sont tous deux des premiers longs métrages, réalisés par de jeunes femmes, et qui s'approprient avec beaucoup de personnalité les codes mêlés du film de genre et du teen movie. Chez Anita Rocha da Silveira, la première séquence installe immédiatement la situation anxiogène (un tueur rôde) ainsi que les choix esthétiques forts de la réalisatrice. Les couleurs sont vives, les plans longs, parfois très rapprochés, et n'ayant jamais peur d'y aller à fond dans un lyrisme visuel très composé. Le récit, lui, suit la lente décomposition qui frappe l'héroïne Bia (incarnée par la merveilleuse Valentina Herszage) et son groupe d'amies (toutes exceptionnelles), puis tout leur entourage, suite à la rencontre entre la jeune fille et l'une des victimes du tueur.
Cette proximité avec la mort accentue la soif de vie de Bia. On sent chez elle une urgence à tout expérimenter, goûter et vivre. Cela se traduit par les scènes très justes avec son copain plus timoré, mais aussi dans les expériences de plus en plus extrêmes qu'elle tente. Impossible de ne pas y voir une allégorie de l'adolescence, période effrénée de possibles et d'envies. Mais Mate-me por favor est aussi un grand film féministe qui dit notamment l'inquiétude latente qui accompagne les femmes (du Brésil et d'ailleurs) lorsqu'il s'agit de rentrer seule la nuit. La jeune héroïne ne se pourtant laisse pas dominer par cette peur symbolique, par cette condition imposée par le fait qu'elle soit une femme. Elle va au contraire jusqu'au bout de ses pulsions, qu'elles soient pulsions de vie ou de mort. Tout en elle est liberté et audace.
On est saisi par la maîtrise de ce premier film qui fait à la fois de très belles propositions formelles et d'intéressantes incursions dans le film d'horreur, le tout avec la légèreté et l'humour propres aux films sur la jeunesse. On adore les conversations poétiques en plein milieu d'un magasin de vêtements, les offices religieux complètement surréalistes, avec pasteure maquillée comme une voiture volée et chansons pop sur l'amour de Jésus. Même le passage (obligé) de la soirée d'anniversaire est un moment clef de basculement, presque filmé comme une scène de crime, et en même temps très fidèle au genre, avec ses désillusions amoureuses et ses séquences de danse frénétique. D'un bout à l'autre, le film fait admirablement le grand écart entre ces deux tendances.
Hélas, il ne tient pas tout à fait la distance, et s'essouffle dans sa dernière partie, plus flottante. L'effet de surprise passée, on remarque plus les quelques outrances formelles, et surtout on a l'impression que la jeune réalisatrice ne sait comment interrompre son récit. C'est d'autant plus dommage que son plan de fin est d'une beauté sublime et puissante, vénéneuse conclusion qui emporte tout sur son passage, y compris nos réticences. MpM
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