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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les Mauvaises Herbes (Bad Seed)
/ 2016
05.04.2017
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CANADA DRY & HIGH
"Plus tu penses que tu vas éviter le trou, plus vite le trou va te trouver."
Comédie dramatique mais déjantée, Les Mauvaises herbes est la bouffée d'air frais que vous allez adorer cette semaine.
Les trois mousquetaires
Jacques Sauvageau est un acteur accro au jeu et endetté. Poursuivi par son créancier Patenaude, Jacques quitte Montréal en plein hiver et atterrit chez Boulerice, un solitaire qui cultive de la marijuana. En échange de son aide pour gérer sa plantation, Boulerice accepte de cacher et rémunérer Jacques, l'aidant ainsi à payer ses dettes. Ils sont par la suite rejoints par Francesca, une technicienne qui a constaté leur surconsommation d'électricité. A l'instar de Jacques, Francesca se retrouve gardée en semi-captivité.
Personnage à la fois sympathique et détestable, Jacques représente ici notre porte d'entrée dans l'univers particulier de Boulerice. Aigri et abîmé par les non-dits (notamment ceux liés à son fils), Boulerice est l'archétype même du vieux con. Néanmoins, cela le rend charmant, tout comme son rapport quasi-affectif avec Jacques. Bien différents au départ, le spectateur constate à quel point ils se ressemblent dès lors que Francesca fait son entrée. Ressort imprévu dans une histoire de vrai-faux kidnapping, l'arrivée de Francesca offre une nouvelle dynamique et un échange ininterrompu de vannes et de gênes.
Car avec tout l'humour qui caractérise les Québécois, Louis Bélanger livre ici son meilleur film. A la fois drôle et malin, Les Mauvaises herbes impressionne par son dynamisme et sa constance. Persuadé que le film va traiter de la relation Jacques-Boulerice, le spectateur est à la fois déconcerté par le second "kidnapping" et sidéré par l'harmonie qui émerge de ce trio inattendu et complètement à côté de la plaque. Car il faut bien le dire, aussi attachants soient-ils, Jacques, Boulerice et Francesca sont surtout des bras cassés. Persuadés d'avoir un total contrôle de leur vie, il se voilent régulièrement la face, ce qui donne lieu à des scènes cocasses et émouvantes.
Modern family
Plus jeune et allergique à toute forme d'autorité, Francesca s'énerve du fait des remarques de ses "compagnons de route". Personnage fort et indispensable, on ne peut nier le fait que le bon traitement de son homosexualité permet au film de décoller très haut et très vite. Eh oui, ses mentions du harcèlement sexuel et son tempérament en font le meilleur élément. Cela étant dit, il faut bien admettre que tout cela est exacerbé par ses deux comparses. Buddy movie efficace et feel-good movie redoutable, Les Mauvaises herbes permet avant tout à Louis Bélanger d'envoyer valser le mythe de la famille normale.
Car les personnages ici présents n'ont que faire de la normalité ou bien même des normes. Fière de ce qu'elle est, Francesca est désormais livrée à elle-même, à la fois indépendante et autonome. De son côté, Jacques fait son possible pour s'en sortir mais doit finir par accepter qu'il ne peut pas vaincre ses démons seul. Enfin, borné comme tout, Boulerice a clairement besoin de découvrir La Paternité pour les nuls. Et quoi de mieux comme entraînement que deux adultes dans la fleur de l'âge pour apprendre de ses erreurs ?
Légèrement centré sur un commerce illégal, Les Mauvaises herbes s'avère rapidement plus profond qu'il n'y paraît. Francesca utilise sa grande gueule pour ne pas voir qu'elle est triste de ne plus parler à ses parents. Jacques s'est noyé dans le jeu pour échapper au vide de sa carrière d'acteur. Et Boulerice n'a trouvé que la drogue pour lui permettre de se racheter auprès de son fils qu'il n'a pas revu depuis deux décennies.
Le Québec pour tous
Déjà vu dans Laurence Anyways, Gilles Renaud prête ici ses traits et son incroyable timbre de voix à Boulerice, personnage "attachiant". Alexis Martin, lui, s'en sort parfaitement en acteur paumé et fait vite oublier sa performance dans Guibord s'en va-t-en guerre. Enfin, pour son premier grand rôle, Emmanuelle Lussier-Martinez excelle dans la peau de Francesca. Film québécois, fait par des Québécois, avec des Québécois mais pas que pour des Québécois, Les Mauvaises herbes est un roller-coaster de 108 minutes duquel on ressort étourdi mais ravi.
Naturaliste et réaliste à la fois, Louis Bélanger met parfaitement en scène cette histoire de personnages presque aussi vrais que vous et moi et aux problèmes sans doute bien réels. Aidé d'Alexis Martin pour le scénario, Louis Bélanger accouche d'un film à l'humour hautement exportable, franchement adorable et qui sera vite culte !
wyzman
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