Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les initiés (The Wound)


Afrique du sud / 2016

19.04.2017
 



TABOUS





«- Je sais ce que t’es. Mais tu peux pas l’admettre.> »

Les initiés aurait pu s’intituler l’emprise. Celle d’un rituel qui défie les siècles. Celle d’une croyance qui se perpétue malgré le progrès et les connaissances. Celle enfin d’un homme plus âgé sur un jeune homme. Tu seras un homme mon fils : voilà l’initiation promise. Mais la découverte de la virilité ici s’accompagne d’une transgression à travers l’homosexualité.

Un jeune ouvrier xhosa retrouve à chaque ulwaluka (le nom donné à ce rite) un homme marié, par ailleurs son amant. Le réalisateur John Trengove ose confronter deux tabous : la critique de rites d’un autre temps et la sexualité secrète, cachée forcément immorale.

Dans les deux cas on comprend très vite que le mâle, pour devenir adulte, ne doit se définir qu’avec son sexe, l’organe comme l’identité. Affirmer sa masculinité est une attitude, une apparence. Un pagne sur un membre que l’on circoncit. Une société où le mâle est dominant et qui se reproduit ainsi.

Brûlure et blessure

Le plus étrange dans ce parcours est que l’homosexualité honnie soit si tolérée, et même normalisée à l’occasion de rites. C’est bien cette hypocrisie que le film veut dénoncer. Il prône un coming-out général et la fin d’’une mauvaise foi obscurantiste. La vulnérabilité de l’homosexualité ne vient pas des actes sexuels mais du fait que l’un des amants n’est pas protégé par le mariage et la paternité. Dans cette Afrique du sud fracturée, entre passé et présent, nostalgie et modernité, riches et pauvres, colonialistes racistes et peuples ancestraux, savane et ville, les êtres ne sont pas égaux.

Formellement, le réalisateur, caméra à l’épaule, avec des séquences très découpées, nous met à l’épreuve. C’est ce qui distingue le film de Brockeback Mountain ou Moonlight. Plus sec que romantique, plus formel que sensible. En nous collant à ses personnages, interprétés principalement par des amateurs, il veut qu’on s’immerge dans cette fiction aussi précise qu’un documentaire. Au delà de la brutalité psychologique, chacun étant tour à tour proie et prédateur, et de cette mise en scène sans aération, le propos même paraît violent. Il faut continuellement se battre pour maintenir une tradition, et donc un équilibre, ou pour aimer, même si ce n’est pas aux yeux de tous. Se battre comme on fait l’amour : dans un corps à corps pulsionnel, tendre et charnel. C’est une brûlure, sensuelle.

Et le titre anglais, The Wound (La blessure), se révèle finalement assez juste. Blessure narcissique, sentimentale, organique, morale, etc… Le film laisse comme une petite cicatrice dans nos esprits tant la tragédie est inévitable et notable. Sociale et romantique, ethnologique et universel, l’intrigue, passionnante, se construit comme un piège, un de ces triangles infernaux dont on ne sort pas indemne.
 
vincy

 
 
 
 

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