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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Psiconautas
Espagne / 2016
24.05.2017
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L'IMPOSSIBILITE D'UNE ILE
"Rien ne se passe jamais comme prévu"
Version plus longue et complexe du court métrage Birdboy d'Alberto Vazquez (Goya du meilleur court métrage en 2012 et présélectionné pour les Oscar), lui-même adapté d'une bande-dessinée du cinéaste, Psiconautas est un long métrage d'animation envoûtant et puissant qui met en scène les destins croisés de plusieurs enfants vivant sur une île isolée ravagée par un terrible désastre écologique. Adoptant un ton résolument sombre, voire tragique, il dépeint une société coercitive et artificielle où les seuls échappatoires sont la drogue, la mort ou la folie. Les personnages adolescents ont beau tenter de s'abstraire de la réalité en poursuivant le rêve chimérique d'un départ (sans retour) pour un ailleurs (forcément) sublimé, l'île, personnage à part entière de l'intrigue, ne semble pas décidée à laisser partir qui que ce soit.
Le graphisme, riche et virtuose, combine différentes techniques en fonction de la tonalité des scènes. Les flash-backs adoptent ainsi des couleurs pastels et douces tandis que les passages les plus dramatiques s'accompagnent d'un trait plus dur et d'un camaïeu de gris et de noirs. Quelques explosions de couleurs, tantôt violentes et criardes, tantôt chaudes et naturelles, permettent par ailleurs d'exprimer les différentes émotions traversées par les personnages tandis que chaque lieu (la décharge publique, la forêt, le sanctuaire verdoyant...) a une identité visuelle très marquée.
Malgré les thématiques abordées (la destruction de la nature, le gaspillage matériel, l'absence d'entraide et de compassion...), Psiconautas n'a pourtant rien du film plombant ou didactique. Ce n'est certes pas un conte de fées avec happy end intégré, mais il s'attache à laisser planer une certaine forme d'espoir, et surtout à prendre systématiquement le spectateur à contre pied avec un humour (noir) ravageur.
Critique au vitriol d'une société qui a perdu le sens des réalités, le film présente par exemple une famille complètement dysfonctionnelle où le chien de la maison, considéré comme le fils prodige, est mieux traité que sa "sœur", et où les adultes aspirent seulement à mener une "vie normale" à grands renforts de "pilules du bonheur". Les forces de l'ordre s'acharnent quant à elles à détruire le peu de faune et de flore qui restent tandis que la religion semble n'être qu'une des multiples drogues mises à disposition des habitants. Finalement, les objets, dotés de parole et de conscience, semblent avoir plus d'âme (et de raison) que leurs possesseurs.
Le monde apparaît alors comme un décor insipide et artificiel derrière lequel se dissimulent les horreurs d'une réalité sans fard. Entre la béate ignorance des adultes qui ne semblent pas s'en apercevoir et la révolte impuissante des adolescents qui cherchent à s'en extraire, on ne sait pas trop ce qui est le plus terrible. Immanquablement, on pense au court métrage d'Alberto Vazquez, Decorado, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2016, et dans lequel le personnage principal s'aperçoit qu'il vit dans un monde de carton-pâte dont il ne parvient pas à s'échapper. Comme les choses sont parfois extrêmement bien faites, ce court métrage singulier et grinçant sera justement présenté en avant-programme de Psiconautas. Et c'est loin d'être anecdotique, car le court à lui seul vaut le déplacement. C'est donc une véritable chance de découvrir les deux films en même temps.
D'autant qu'ils font écho chacun à sa manière aux difficultés rencontrées par l'Espagne ces trente dernières années. "Nous parlons d'une certaine génération perdue et de la réalité sociale des années 80", reconnaissait notamment le co-réalisateur Pedro Rivero lors d'une projection au festival Différent en 2016. "Il y a ensuite eu une prise de conscience, notamment dans le domaine de l'écologie, suite aux catastrophes qui se sont produites, par exemple en Galice [comme le naufrage du Prestige en 2002, dont le fioul avait atteint les côtes]."
Par rapport à la bande-dessinée, le duo de cinéastes a par ailleurs étoffé l'intrigue de Psiconautas. "Dans la BD, Birdboy ne faisait que se droguer et se plaindre", expliquait Pedro Rivero. "L'adolescence était vraiment au cœur du récit. Nous avons essayé d'en faire quelque chose de plus vaste en amplifiant les péripéties, les trames secondaires, le cycle animiste de la vie..." La fin a même été remaniée pour offrir au spectateur un "petit quota d'espoir".
Même si cela ne suffit pas à faire de Psiconautas une comédie légère, il ne faudrait surtout pas prendre cela comme prétexte pour faire l'impasse sur cette magistrale démonstration de ce que peut être le cinéma d'animation, et surtout le cinéma tout court. De son propre aveu, Pedro Rivero "n'attendait rien du public espagnol", peu enclin à s'enthousiasmer pour ce type de film. La surprise pourrait alors venir de France. On compte sur vous ? MpM
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