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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Wall
USA / 2017
07.06.2017
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DANS LA LIGNE DE MIRE
«- J’ai tellement chaud que mes burnes n’en font plus qu’une.»
On ne peut pas faire moins épais comme pitch. Un soldat blessé est immobilisé derrière un petit mur en plein désert. Un sniper ennemi le tient en joue et commence à discuter avec lui. Il faut tenir une heure trente. C’est le principal exploit de Doug Liman. Son style alerte, vif, empêche le regard de se reposer et maintient la tension de bout en bout.
Tout commence assez banalement. Deux soldats dissertent en observant un pipeline et ses environs. Un mélange de jargon militaire et de blagues grasses, de vocabulaire vulgaire et de souvenirs humains. Les plans larges sont rares : le réalisateur privilégie les gros plans, les cadrages serrés, les gestes rapides, un découpage très rythmé. Il s’agit de ne pas nous ennuyer.
Et ça fonctionne. L’efficacité du film tient non pas aux quelques rebondissements mais bien dans ce huis-clos à ciel ouvert où la proie et le prédateur ne se croisent jamais. Le soldat, en perdition, comme le spectateur ne voient jamais le tireur. Le sniper, en planque, n’est qu’une voix et un fusil : il est un bruit, celui qui dialogue dans l’oreille et celui des balles qui fusent de nulle part.
La vulnérabilité du soldat et l’assurance du tireur nous porteraient à être dans un camp plutôt que dans un autre. Mais ce piège ensablé n’est qu’un prétexte pour établir un discours critique sur « l’occupation » américaine, impérialiste. Si parfois, le dialogue est peu subtil, un peu trop manichéen disons, entre divagations psychanalytiques et traumas basiques, le propos global montre l’absurdité de ces guerres et la bêtise humaine où tout le monde est finalement responsable de morts inutiles et coupables de tueries insensées. Personne n’est innocenté, exempté de ses crimes.
La malice du sniper et la survie du soldat produisent l’action. Mais c’est bien ce dialogue qui donne du sens à ce duel au soleil. Une parabole d’un conflit sans fin entre l’Occident et l’Orient, les colonialistes et les colonisés. Ce mur est une ruine. Le soldat le tient autant qu’il le protège. Mirage, illusion. C’était une école, détruite par son camp. Tout un symbole, un peu pesant évidemment. Aujourd’hui ces quelques pierres sont un bouclier contre celui qui veut venger le sans versé.
Responsables et coupables
Pourtant, ce qu’on retient de ce piège infernal (unité de lieu/unité de temps) n’est ni l’un ni l’autre. En plaçant sa caméra du côté du soldat, Doug Liman nous embarque (« embedded ») avec lui. On palpe sa fragilité, on ressent sa peur, on est avec lui du début à la fin. Aaron Taylor-Johnson donne tout pour nous impliquer dans son combat. On est avec lui, derrière ce mur si peu solide, si peu protecteur. La fin, très cynique, brutale, presque inattendue, est à l’image du reste : sadique, cruel, atroce.
Derrière ce mur, il y a l’envie de pointer du doigt une Amérique coupable de crimes, impuissante à réparer ses dégâts, incapable de se remettre en question, et sûre de sa domination. C’est peut-être ça qui surprend le plus.
Au-delà de cette envie de nous instrumentaliser en nous maintenant en haleine, il y a ce désir de ne pas offrir de happy end, au nom du principe de réalité. Hollywood s’ouvre de plus en plus à des épilogues noirs et sans appels. The Wall n’échappe pas à cette tendance. Quitte à être un peu didactique, et, en tout cas, trop démonstratif.
vincy
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