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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Ana, mon amour
Roumanie / 2017
21.06.2017
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UN DUO PAS SI DIVIN SUR LE DIVAN
« Tu crois qu’on peut gagner de l’argent en faisant journaliste. »
Ana, mon amour n’est pas un film roumain tel qu’on peut se le représenter par des stéréotypes (soit la comédie loufoque et sociale, soit le drame plombant et social, pour caricaturer). Calin Peter Netzer préfère une forme de mélo, de romanesque, de drame amoureux et sensuel, plutôt que de dépeindre un pays corrompu, déprimé et soumis aux dominants (religion, politique, etc…).
Voilà pour le cadre. Pour l’histoire, c’est celle d’un masochiste impuissant à se sortir du piège passionnel dans lequel il s’est enfermé. Du Nietzche en prologue. Un beau jeune homme est sur un divan et s’interroge sur sa descente aux enfers depuis qu’il a eu le coup de foudre pour Ana, belle femme fascinante, mais, hélas, traumatisée dans son enfance.
Le couple est magnifique. Mircea Postelnicu et Diana Cavaliotti jouent ce séduisant duo qui se désagrège au fil de leur vie avec subtilité et naturel. Si « choisir une femme est plus compliqué que de faire une thèse<:i> », le cinéaste a su choisir deux comédiens dont l’alchimie est évidente.
Ana, mon amour est un drame, mais le film peut aussi être cru (éjaculation inclue), drôle, moqueur des traditions dogmatiques et des ambitions malsaines. Parfois ses excès et ses métaphores visuelles nuisent à son propos.
Qu’est-ce qu’un homme aujourd’hui ? A cause et grâce à Ana, femme instable en voie d’émancipation, mais qui a du mal à passer à l’âge adulte, Toma va devoir "s’introspecter", passant du rôle rassurant de protecteur à celui moins flatteur de simple géniteur. Se réveillent en lui des sentiments néfastes comme la possessivité ou la jalousie, des pulsions plus violentes, fissurant son image d’homme parfait. Car c’est autant la décomposition d’un couple que la destruction de Toma à laquelle nous assistons.
Les parents terribles
Avec une narration qui utilise le flash-back et mélange l’ordre chronologique, un découpage presque frénétique, le film s’avère très énergique. A l’inverse, hormis les crises d’angoisse ou de panique de son héroïne, dictées par un surplus d’émotions qui débordent, les personnages sont relativement posés, même s’ils étouffent en eux des névroses irrémédiables liées à leurs parents, irrécupérables.
Avec ces parents qui refusent de voir le monde changer autour d’eux, cet homme qui n’accepte pas que sa femme évolue, Ana, mon amour est une critique cruelle, subversive et sarcastique d’un conservatisme qui bloque tout épanouissement, toute liberté.
Cette psychothérapie d’un échec amoureux, qui débute avec la folie d’une femme et s’achève avec celle de l’homme, montre aussi l’emprise qu’ont les codes sociaux sur l’individu, qui, à terme, étouffe. A quel point les entourages, et leurs propres névroses, influent sur notre comportement.
Ce règlement de compte hormonal, où chacun est finalement déséquilibré, assez juste psychologiquement, et très bien tenu cinématographiquement, malgré l’hystérie ambiante et la tragédie planante, aurait peut-être pu se passer de la séance chez le psy qui emmène le film dans une direction vaine, vers une énigme inutile. A vouloir trop manipuler, le cinéaste roumain veut plus nous distraire que nous interroger, alors que son histoire d’amour idéale saccagée suffisait à elle-même.
Entre rêve et réalité, entre illusion et contorsions, ce brillant scénario dénonce l’égoïsme intrinsèque de l’être humain. Il n’y avait pas besoin d’en rajouter avec un rebondissement sans intérêt. Cela empêche le film de se dépasser. Mais cela lui permet aussi d’être, sans doute, plus accessible à un public réticent à contempler cette dévastation de l’intime.
vincy
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