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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les hommes du feu
France / 2017
05.07.2017
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CE QUI LES LIE
«- Tu me remontes les bretelles pour une partie de baise mais moi j’ai pas laissé un blessé dans le fossé. »
Pierre Jolivet a été inspiré de vouloir éclairer le monde des Pompiers. Le cinéma français, avide de flics et de médecins, a souvent oublié ces « héros du quotidien », souvent valorisés par le cinéma américain. Nous voici embarqués, « embedded », dans une modeste caserne du sud de la France. Comme dans Force majeure ou Ma petite entreprise, il se passionne pour le fonctionnement d’un système qui a ses propres codes et ses propres règles. Comme dans la plupart de ses films, le cinéaste cherche la dimension humaine et sociale d’un métier, ce qui lie ces « soldats » du feu.
Il y a un aspect documentaire, réaliste, jargon compris, qui surclasse presque la fiction, parfois moins convaincante. Les hommes du feu ne s’achève pas sur un incendie magistral et spectaculaire comme dans les films hollywoodiens. Ici, nulle tragédie extraordinaire : les pompiers sont là aussi pour des incidents dramatiques (suicide, violence conjugale, … tout y passe, quitte à flirter avec l’inventaire commandité pour servir de promotion / publicité de ce service public).
Si le scénario est relativement classique, pas loin de celui d’un téléfilm bien écrit, ce sont les personnages qui amènent une profondeur plus cinématographique. Le jeu d’acteur est précis. Les caractères suffisamment nuancés, voire ambivalents, et toujours très trempés, pour créer des conflits et des réconciliations. La réalisation n’est pas en reste : dans l’intime comme dans le spectacle, Pierre Jolivet sait installer un message ou une tension. Il est moins à l’aise dans les scènes qui servent de liant, d’interstices.
Communauté
Au moins, s’il voulait montrer le sacerdoce de ces hommes (et femmes), c’est réussi. Paradoxalement, c’est moins leur motivation qui captive (c’est même sans aucun doute la partie la plus didactique du récit) que leurs tourments, angoisses et peurs. Le réalisateur, en mettant en avant des personnages aussi différents qu’un solitaire, un beauf, une femme, un homo…, cherche surtout à valoriser une profession, tout en tendant vers un « vivre ensemble » assez idéaliste, sans racisme, sans haine. C’est peut-être là que le film révèle son déséquilibre entre réalisme et fiction, tout en trouvant son ton sympathique qui le rend plaisant.
Le film s’inscrit ainsi dans l’air du temps : une volonté de bienveillance. Tous pardonnent aux autres leurs erreurs, jusqu’à faire leur propre mea culpa. On y verra une forme de naïveté, pas désagréable mais un peu utopiste. Le cinéaste veut croire à un monde bien. Ainsi le recrutement du jeune gay et les commentaires autour (on choisit pas sa connerie, sa beauté ou sa sexualité) fleurent bon le politiquement correct. On ne le reprochera pas. Cependant, comme le film se veut documenté et juste, est-ce ainsi que cela se passe réellement ?
Ce n’est pas pour ça qu’il faut passer à côté de ces Hommes du feu. Rares sont les films français assez ambitieux, parfois drôles, pour nous emmener dans une dramaturgie intime au cœur d’un danger récurrent. Cette immersion vaut le détour grâce à un groupe d’acteurs, tous impeccables, une histoire assez palpitante et le portrait d’une profession méconnue. On est happé dès la première alerte. Sans foutre le feu au 7e art, Jolivet sait maintenir la flamme pour ne pas nous ennuyer.
vincy
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