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UNDER PRESSURE
«Ne tire pas, j’ai ta chaussure. »
Depuis Diana Rigg dans la série Chapeau melon et bottes de cuir, on sait que la femme est l’égale de l’homme quand il s’agit de rendre coup pour coup, de castagner et de castrer les mâles virils et méchants. Depuis Kathleen Turner, Michelle Pfeiffer, Uma Thurman, Michelle Yeoh, Angelina Jolie, Scarlett Johansson ont prouvé avec crédibilité qu’elles n’étaient pas bonnes qu’à attendre le héros pour le repos du guerrier.
Charlize Theron, on l’a vu avec Mad Max Fury Road, a le charisme et la trempe pour être l’une de ces « action girls », capables de jouer les gros bras tout en jouant de ses charmes. Autant dire qu’Atomic Blonde est formaté pour elle.
Clairement féministe – tous les mecs sont pourris, hormis le plus androgyne (Bill Skarsgard) -, bisexuelle assumée – on peut dire qu’elle aussi a sa « James Bond Girl » avec des scènes plusqu’explicites – la blonde a toutes les qualités pour une mission impossible dans un Berlin en pleine effervescence, entre l’Est et l’Ouest, au moment où le mur va s’effondrer.
(Parenthèse : c’est un plaisir de voir le temps d’une séquence la grande Barabra Sukowa et on apprécie le clin d’œil à Andrei Tarkovsky avec la projection de Stalker dans le mythique Kino International.)
Punch, Drunk, Spies
Reprenons. Atomic Blonde répond aux codes du genre : les scènes de baston, à poings nus la plupart du temps, sont sanglantes, brutales et flirtent avec celles de Jason Bourne. C’est sans doute l’aspect le plus « réaliste » de la mise en scène, qui, pour le reste, emprunte beaucoup au roman graphique dont le film est l’adaptation. Dans cette « Sin City », tout paraît comme des décors de cinéma. Rien ne semble vraiment réel. Les néons, les couleurs fluos, les lumières accentuent cette impression « eighties », renforcée par une bande son d’époque (Bowie, George Michael, New Order, Depeche Mode, l’inusable Nena).
On a donc notre dose de « revival », de « cold war nostalgia » et de sado-masochisme fatal (tout objet est bon pour saccager la gueule de son ennemi). Theron aime les bains de glace, pour soulager ses bleus, la cigarette et la vodka. Mais sous cette froideur séduisante (qu’elle surjouerait presque), il y a bien un tempérament explosif et incendiaire, au pieu ou face aux Russes. Bad Girl mais chic.
Charlize est une drôle de dame
En revanche, le scénario et le montage rendent ce film d’espionnages, avec meurtres, assassinats, trahisons et autres petits plaisirs entre ennemis, un peu poussif. On comprend bien que les ellipses, les plans « d’atmosphère » sont là pour faire monter le suspens, ou en tout cas nous perdre dans ce jeu de dupes. Atomic Blonde est un véritable traquenard, un piège à cons, où il ne faut jamais juger aux apparences. Il faut parfois patienter pour comprendre dans quel camp est réellement tel suspect ou tel agent. Car il y a des agents doubles, et même triple. Il ne faut pas gâcher le double twist final. Aussi, mieux vaut faire un compromis avec la cohérence dans ce numéro de marionnettes (on ne saura qu’à la fin qui tire vraiment les fils).
C’est sans doute ici que réside la faille de ce divertissement dans l’air du temps. Cette mission foireuse, et a priori foirée, où chacun ses règle ses comptes et où tous ont leur job en sursis avec ce foutu mur de Berlin qui s’écroule, n’est pas plus palpitant que ça. Pourtant, on doi reconnaître qu’on éprouve un vrai plaisir, assez jouissif, à regarder ces séquences s’enchaîner, sans qu’on cherche à s’inquiéter pour les uns ou pour les autres (puisque seul le personnage de Charlize Theron, finalement, nous est sympathique). C’est bien l’aspect esthétique, la reconstitution d’une époque et l’héroïne qui distinguent le film de ses congénères. Sans Charlize Theron, autant le dire, ni l’agent qui l’incarne, ni l’enquête qu’elle mène, ni l’intrigue qui la menace ne nous auraient vraiment passionnés. C’est dire si l’actrice nous bluffe en nous embarquant dans son délire kitsch et cogneur. vincy
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