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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Barry Seal: American Traffic (American Made)
USA / 2017
13.09.2017
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RISKY BUSINESS
«- Tout ça est légal ?
- Si vous êtes dans le camp des gentils, oui. Il suffit de ne pas vous faire chopper. »
Le projet de Barry Seal aurait été inspiré à la suite du succès d’Argo. Ils ont en commun de révéler, sous la forme d’un film hollywoodien (le thriller pour Argo, une sorte de divertissement façon film de casse pour Barry Seal), les sombres manigances et extravagantes idées de la CIA pour sortir l’Amérique de son pétrin.
Pourtant, par son style, Barry Seal est beaucoup plus proche de Charlie Wilson, où l’on voyait un éminent politicien américain, conservateur et débauché, partir en guerre contre les cocos en Afghanistan et réussir le tour de force d’enrichir l’industrie militaire sans trouver les moyens de reconstruire le pays dévasté.
Doug Liman oscille ainsi entre les deux récents films. Comme le récent War Machine (exclusivement sur Netflix, avec Brad Pitt), on frôle la satire alors qu’on parle de choses très sérieuses. Le réalisateur insère même des digressions à la Michael Moore. Mais comme War Machine, Barry Seal se laisse regarder avec plaisir, sans jamais atteindre une quelconque profondeur.
Si les scénaristes ont pris de larges libertés avec l’histoire réelle (notamment en matière de chronologie), ils ont malgré tout réussi à rendre fluide et compréhensible cet incroyable destin d’un pilote de ligne utilisé par la CIA pour faire du trafic de drogue, d’armes et même de soldats. Le tout se mêle à la grande histoire : Reagan, Clinton, les Contras au Nicaragua, Ortega au Panama, le cartel de Medellin, et autres arrangements entre « amis » de si bonne compagnie.
Doug Liman s’amuse avec cette reconstitution colorée des années 1970-1980, les face-caméscopes de Cruise qui confie son passé, les pastilles pédagogiques. Le montage est dans l’air du temps, quitte à zapper le temps long nécessaire parfois pour installer une émotion. Devant ce grand huit distrayant, le spectateur sourit. C’est tellement improbable. Même si on parle de drogue, de guerre, de corruption, l’ensemble est léger.
Ainsi, Tom Cruise cabotine. Loin de ses récents rôles de mâles héroïques, tout en ayant subit un joli lifting numérique, le comédien s’offre un personnage avec un peu de relief dans un film qui se distingue dans sa filmographie des années 2000. Sans faire trop d’efforts, il écrase le reste du casting, cantonné à quelques séquences. Il flambe, crâne, frime. Tout le film le rend sympathique, tête brûlée, naïf, un brin idiot. Alors qu’il est quand même bien complice de crimes et de trafics. Même si l’issue est dramatique, il nous fait croire aisément à cet homme insouciant, inconscient, et immoral.
En agissant sans réfléchir, il se place lui même au centre du piège. Et c’est là que Barry Seal échoue, contrairement à Argo. Jamais on ne ressent la tension nécessaire pour que le spectateur ait envie que ce pilote d’avion s’en sorte, jamais on ne s’inquiète vraiment de son sort d’ailleurs. Il manque une dramatisation de ce destin où tout semble facile. Même la dernière partie, qui flirte avec Arrête-moi si tu peux, indiffère sur son aboutissement. Il est si coupable qu’il mérite la prison. Il est si manipulé qu’il devrait provoquer un scandale politique.
Mais l’enjeu est si mal établi, qu’on ne fait que suivre ces péripéties jusqu’à l’épilogue, qui, au moins, nous délivre un message cynique. Bien vu, d’autant que c’est dans ces trois dernières séquences que Doug Liman semble le plus inspiré et trouve le ton juste à un film qui cherchait son issue de secours.
vincy
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