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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Kiss & Cry
France / 2017
20.09.2017
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LE TRIPLE FLIP
«- T’as peur, c’est marqué en toi. Tu finiras assistante de direction chez Vialis! »
Kiss & Cry, présenté à la sélection Acid à Cannes en 2017, est une sorte d’anti Black Swan, s’il fallait résumer de manière très synthétique ce film entre documentaire et fiction. L’arrivisme, l’esprit de compétition, les « bitcheries » entre patineuses et la pression des adultes (parents comme coach) parfois violente ou agressive sont pourtant bien présents dans ce récit réaliste.
Kiss & Cry est l’histoire d’un rêve brisé. La starlette de la patinoire se remet d’une blessure et cherche à conquérir de nouveau les podiums. Mais l’adolescence s’en mêle. Et ce qui était sa passion, son obsession se mue en contraintes et en calvaire.
Car le corps se transforme, on prend conscience de ses limites, on assume la chute, on accepte l’échec en grandissant. On prend peur de son corps en mutation, ce corps qu’on pousse à bout. Cela donne des échanges virulents avec un coach hystérique, efféminé, imbuvable, mais drôle. Il est « la » plus bitch de toutes. « Je les insulte pas, je leur dit qu’elles sont grosses. On peut pas sauter quand on ressemble à une bonbonne de gaz ! »
Parallèlement, les jeunes patineuses se font de sales vacheries, allument les mecs, s’exhibent sur snapchat, font les 400 coups, se rebellent contre leurs parents.
Il y a une cruauté latente et permanente dans ce film, qui, conjugué avec une justesse de ton, forment un mélange de naturalisme et d’impressionnisme. Kiss & Cry pose la question du rêve : collectif (celui d’un coach ou ceux des parents) et individuel, qui n’est pas forcément le même. L’apprentissage d’un sport et les rituels initiatiques vers le monde adulte ne font pas bon ménage. Rivalités et accrochages sont autant de heurts qui peuvent blesser bien plus qu’une sale réception sur la glace.
Garces et grâce sur la glace
Les récents films sur l’adolescence montrent tous que les parents ont une part de responsabilité dans le mal-être de leurs progénitures. Ici, on y ajoute les sacrifices exigés, égoïstement, sans se soucier des aspirations des enfants. C’est sans doute là que Kiss & Cry est le plus « monstrueux ». En apparence, le film ne révèle aucune complexité, aucune tragédie. Mais sous la surface, il dévoile la difficulté à être soi tout en essayant de satisfaire des « ordres » venus d’en haut. Ce cri du cœur lancé par l’héroïne qui veut se réapproprier sa vie fait froid dans le dos face à l’incompréhension de sa mère.
L’œuvre, à l’image tremblante, captant les souffles et les regards avec précision, manque de dramaturgie pour être complètement aboutie. Mais on ressent bien l’aspect suffocant qui étouffe toute liberté, la frustration de ceux qui n’ont pas pu accéder à leurs rêves (à l’instar de ce rêve/cauchemar aussi onirique que kitsch). Le final, elliptique, amènera une respiration, à l’air libre, loin des salles fermées et réfrigérées. Aucun baiser au vainqueur, aucun pleur pour les losers. Juste la vie qui est ailleurs.
vincy
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