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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Money
France / 2017
27.09.2017
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SALE AFFAIRE
Film noir et polar, Money a tous les ingrédients pour être tendu. Une histoire de corruption, de pouvoir, de chantage. Il n’y a aucune limite. Une valise de billets convoitée met face à face un homme politique ambitieux, des mafias et trois prolos précaires.
La dimension sociale n’est qu’un arrière plan. Même si elle permet une certaine empathie envers le trio de braqueurs, qui aspirent à une vie meilleure, ce n’est pas ça qui est au centre de l’intrigue du film de Gela Babluani, absent des écrans depuis 7 ans. L’enjeu est davantage dans le refus des « pourris » (élite, trafiquants, …) de lâcher une part du gâteau. C’est bien l’abus de pouvoir, la condescendance sociale et le sentiment d’impunité qui créent la noirceur et le cynisme de Money.
Avec ces décors normands peu reluisants (faubourgs sans âmes, zones industrielles, …), on flirte avec les polars des seventies français (Melville), même si la mise en scène emprunte davantage au cinéma américain, notamment dans les duels et les huis-clos.
Le genre plus que le récit
Clairement, le cinéaste choisit de privilégier le suspens et la dramatisation au détriment des relations humaines, résumées à une forme de rivalité et de concours de testostérone. Avec cette affaire qui tourne mal, ce jeu de billard à trois bandes nous maintient en apnée à certains moments. Cela tient, essentiellement, non pas aux quelques rebondissements, mais à l’imprévisibilité de deux personnages, par ailleurs les plus intéressants : Danis (George Babluani, une révélation), jeune père ni vraiment ni franchement méchant, balloté par les événements, et dont on espère toujours qu’il s’en sorte ; Vincent (Benoît Magimel, bedonnant, méconnaissable, froid), homme à tout faire, et surtout à faire le sale boulot, parfait animal à sang froid, capable du pire. Ce sont eux deux qui insufflent à la fois l’espoir d’un happy end mal enclenché, et la crainte que tout finisse dans un bain de sang.
Après tout le fric n’a pas de morale, et les mains sales, ça se lave. Ce bon suspens, ce polar honnête, fait le job. En moins de 24 heures chrono, ce microcosme qui n’aurait jamais du « coexister » va surmonter des épreuves entre rêves, meurtres et survie. La violence (de l’Etat et des êtres) n’a rien de graphique : elle est omniprésente, verbale, ou brève quand on en arrive aux armes.
Cette absence de surenchère visuelle et cette volonté de réalisme entraînent la spirale infernale dans l’impasse (De Palma) : l’impossibilité de s’en sortir, peu importe son camps. C’est là que Money révèle toute sa noirceur. Le film aurait mérité sans aucun doute plus d’épaisseur, moins de musique aussi. Mais son efficacité est indéniable et sa morale très amère. De quoi foutre des frissons : non pas avec des sensations manipulées par le montage mais bien par ce que le film distille comme message. Le carnage est sanctionné par ce dernier plan où la valise de billets paraît aussi encombrante qu’inutile.
vincy
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