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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Battle of the Sexes
USA / 2017
22.11.2017
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UNE FEMME D’EXCEPTION
« Fumez comme des pompiers pendant douze mois… »
Il y a indéniablement un style Jonathan Dayton/Valerie Faris. Les réalisateurs de Little Miss Sunshine et Elle s’appelle Ruby aime, sur le ton ironique, décrypter les failles des arrogants et permettre aux vilains canards de briller.
Battle of the Sexes est un autre film sur le tennis. Mais contrairement à Borg McEnroe, sur le stress psychologique des champions, à Match Point, sur les doutes du hasard et de la chance, ou à Wimbledon, aimable romance sur deux champions factices, le film est ici bien plus qu’un film sur ce sport.
Un beau duel
Le véritable sujet est ailleurs. Il s’agit de l’égalité des sexes. Le prétexte dramatique est bien un match légendaire et crucial. D’un côté, un vétéran, arrogant, macho, dinosaure de l’après Guerre, vainqueur de Grands chelems et ancien leader du tennis mondial, Bobby Riggs, bête de cirque, addict au fric et aux médocs et incapable de quitter les cours (et la lumière). Steve Carell s’éclate littéralement à jouer ce personnage a priori antipathique mais qui attire pourtant l’empathie. Il retrouve ici un rôle à la hauteur de sa prestation dans Foxcatcher. Entre transformation, burlesque et tragédie.
De l’autre côté, la véritable vedette du film, une joueuse à son apogée, mal à l’aise sous les spotlights, se faisant violence pour assumer son rôle de leader du circuit féminin, pas vraiment belle, véritablement douée avec sa raquette, disciplinée et dévouée à son sport, Billie Jean King, bisexuelle devant cacher son amour féminin, prête à tout pour obtenir l’égalité salariale entre joueurs et joueuses de tennis. Emma Stone est formidable, frôlant le perfectionnisme dans un jeu tout en nuances, capable de traduire toutes les émotions de son personnage. A la fois déterminé, vulnérable et combattif.
Service slicé
Historiquement, le film est bien plus important que Borg McEnroe et pas seulement pour le tennis. Le match de Houston qui verra s’affronter Riggs à BJK a été le premier à être diffusé en prime time sur une chaîne nationale, à remplir un stade de 30000 personnes, à prouver qu’une femme pouvait battre un homme. C’est l’aboutissement du film : à partir de cette date là, le tennis masculin comme féminin va devenir un sport profitable, prospère et médiatique.
Mais le début du film compte tout autant que sa fin. Parce que BJK comprend qu’une championne gagne huit fois moins qu’un champion alors que les stades sont remplis de la même façon, elle décide de défier la fédération nationale de tennis en créant son propre circuit purement féminin. Cette rébellion risquée va poser les fondements du tennis actuel : un circuit masculin (ATP) et un circuit féminin (WTA).
Vénus se rebelle contre Mars
Au-delà de ces faits, on voit bien que Battle of the Sexes prend comme prétexte cet affrontement masculin/féminin pour évoquer une véritable inégalité toujours d’actualité : les femmes sont moins payées que les hommes et ce dans tous les corps de métier, des actrices hollywoodiennes aux employées. Aux Etats-Unis, en moyenne, une femme ne touche que 77% du salaire d’un homme, en France, c’est un peu mieux, autour de 84%.
Emma Stone fait partie de ces comédiennes qui exigent l’égalité, tout comme Jennifer Lawrence ou Meryl Streep. A travail égal, salaire égal. On serait tenté de rajouter « à recettes égales » rémunération égale.
The L Wor(l)d
C’est le motif principal de Battle of the Sexes. Mais ce n’est pas le seul. Entre les deux, il y a le parcours personnel de la championne américaine, qui explore son homosexualité et son équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Dayton et Faris sont sur un terrain fragile, et s’en sortent à merveille. En banalisant l’attirance d’une femme pour une autre femme, en illuminant le personnage du mari de la joueuse, profondément amoureux, féministe et ouvert d’esprit (à l’instar de l’épouse de Riggs), en montrant la misogynie et la lesbophobie ambiantes, ils ne jugent finalement que les conservateurs.
Film à l’ADN progressiste, Battle of the Sexes n’est pas seulement l’histoire d’une rivalité entre « gros macho et féministe poilue », c’est avant tout le récit d’une femme qui cherche à concilier sa passion, son mari, sa maîtresse, l’exposition médiatique et le désir de rester discrète dans un monde peu indulgent et presque rétrograde. Et c’est toujours le cas, même si les choses ont évolué en partie.
Je décisif
Atemporel, le film parvient lui à concilier ses différents genres : sport, romance, mélo, politique, et comédie. Sans esbroufe, juste en se focalisant sur une histoire vraie « bigger than life » et sur des personnages charismatiques, incarnés parfaitement, se reposant sur un scénario aux multiples variations, même s’il reste convenu dans sa structure, Battle of the Sexes est une œuvre dense, dans l’air du temps, tout en restant légère.
Il ne cherche pas à nous enivrer par un montage « cut », préférant dérouler son récit avec précision, passant de l’amusement à la gravité en un plan ou en un regard. Car, si le match de tennis est comme une libération, un soulagement, une éjaculation par petits « cumshots » après toute cette pression invisible qui se diffuse durant une heure et demi, c’est avant tout un fin portrait psychologique d’une femme d’exception qui est projetée sous les spotlights et qui saura utiliser ce pouvoir pour s’émanciper complètement et servir sa cause pleinement. De revers en lobs, de coups droits en lifts, le destin de Billie Jean King méritait bien un bon film.
vincy
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