Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Thelma


Norvège / 2017

22.11.2017
 



IRRATIONAL WOMAN





«Je crois à ce que je peux expliquer scientifiquement.»

Avec Thelma, Joachim Trier prolonge son exploration des tourments de la jeunesse. La stupeur de se découvrir adulte, le tremblement de la vie qui s’ouvre à soi. Thelma est une jeune fille qui revient de loin. Dans un prologue silencieux et sublime, son père est prêt à la tuer à bout portant alors qu’elle n’est qu’une enfant.

Glaçant comme un hiver nordique dans un paysage de conte de fée. Lourdement chargée en névroses – parents très croyants et intrusifs, mère en fauteuil, père surprotecteur, crises épileptiques sporadiques, hallucinations,... - la jeune étudiante a du mal à équilibrer ses pulsions intérieures et hostiles à une réalité complexe entre son cocon familial inquiétant et sa liberté dangereuse à l’université.

Comme toujours, le réalisateur norvégien a une empathie immédiate pour son personnage central. Thelma ne fait pas exception. Malgré une part de responsabilité et de culpabilité, une facette monstrueuse qui est dédouanée par un aspect surnaturel de sa personnalité (ce qui évite tout jugement, ce qui conduit à quelques doutes pour le spectateur), la mise en scène de son calvaire dicte un parti-pris trop binaire pour démontrer la subtilité d’un propos.

Comme toujours avec Joachim Trier, les responsables et coupables sont ailleurs : la société ou les parents, fabricants de mal-être, constructeurs de futurs clients pour psys.

« Je veux être moi-même. Pourquoi c’est impossible ? »

Si la réalisation est indéniablement élégante et la photo impeccable, Thelma est surtout captivant par l’incarnation de son actrice, Eili Harboe. Car le scénario, de son côté, est trop inégal pour nous faire palpiter, vacillant entre séquences (rares) surnaturelles, mélodrame (froid), romance lesbienne (touchante) et parcours initiatique (déjà vu). Le magnétisme, pilier fondamental du récit, qui est censé s’exercer sur le spectateur, réussi rarement à atteindre son objectif.

Trop brouillon quand il s’agit de vouloir expliquer des effets paranormaux, trop lent quand il faut se concentrer sur les doutes de son personnage, le scénario, inutilement tortueux, abusant de références psychologiques, se laisse aller à une mélancolie un peu appuyée, parfois factice, quand les dialogues ne sont pas didactiques. C’est chic, mais ça manque de choc. Certaines scènes sont trop longues, étirant vainement le film. D’autres surchargent en pathos, sans émouvoir particulièrement. Dans cette lutte entre la religion et la science, entre le mâle dominant et le sexe faible, trop de maladresses se glissent dans ce délire psychotique et empoisonné. Même l’épilogue, qui flirte avec un roman de Stephen King ou un film d’Alfred Hitchcock, est à moitié convaincant tant il semble expédier par rapport à plusieurs chapitres anodins, trop elliptique et trop sommaire.

Reste le tournant vers l’âge adulte, de loin la partie la plus aboutie du film, et l’une des marques de fabrique du cinéaste. Entre étouffement parental, affrontement de regards extérieurs, transgressions (sages) pour se « dé-chaîner » de son passé, pulsions morbides et désirs sensuels, Thelma fait l’apprentissage d’une vie plus vertigineuse que rassurante. Son émancipation, tragique, sa quête d’être soi, ce grand saut à l’élastique sonnent justes. Illustrés par une série de catastrophes non maîtrisables, justifiés par un crime impardonnable, ces frontières à franchir mènent l’héroïne à une évidence psychanalytique : couper le cordon, tuer le père. Tant que son corps tremble, le monde tremble avec. C’est dans ces instants là, que Thelma s’avère la plus troublante. Et pour le spectateur la plus fascinante : car, en effet, il s’avère difficile de la condamner.
 
vincy

 
 
 
 

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