Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les Gardiennes


France / 2017

06.12.2017
 



MOISSONEUSES LIEUSES





«C’est une bonne travailleuse. Elle vaut bien des hommes. »

Adapté d’un roman « régional » d’un auteur « goncourisé » écrit quelques années après la Première Guerre mondiale, Les gardiennes pourrait être vu comme le miroir féminin de Des hommes et des dieux, du même Xavier Beauvois.

Le cinéaste trouve là un matériau argileux qu’il a pas mal transformé pour modeler une œuvre aussi austère que rugueuse. On voit bien que les silences de ces humains du terroir et la beauté épurée des paysages ruraux sont des éléments de fascination pour le réalisateur, comme ces hommes de foi taiseux et ces murs nus d’un couvent.

La Grande Guerre fauche les fils, les maris, les mâles. Les femmes se retrouvent seules à gérer la terre. Des suppléantes qui s’affirment aussi bonnes dans la gestion que dans la tâche. Les dialogues minimalistes et les visages fatigués inscrivent très vite le film dans une sorte de contemplation et d’admiration devant ces femmes patientes, puissantes.

Déséquilibré

L’image est assurément belle, pas loin des maîtres flamands. Le cadrage est étudié. La musique de Michel legrand surgit parfois pour gâcher cette méditation, soulignant sans nécessité particulière, un événement, souvent l’un des rares moments heureux du film (l’arrivée de Francine, la romance avec Georges).

Dans un film où le bonheur semble rare, ce récit qui s’étire sur cinq ans souffre sans doute d’une dramatisation peu naturelle. Tout semble pesant. Bien sûr, on ne peut nier les difficultés pour ces femmes à l’époque. Et c’est sans aucun doute l’aspect le plus intéressant de cette fresque de terroir, qui flirte avec un art pictural où paysans et paysages sont des objets/sujets sublimés.

Mais l’ensemble paraît un peu théâtral. Le scénario a du mal à accompagner le souffle que Beauvois veut donner à son film. Il ne sait quoi choisir entre un portrait quasiment documentariste et un mélo bâclé, entre un film aux airs désuets, étouffant dans son carcan, et une fiction aux accents universels. Il tarde ainsi à mettre en place l’enjeu dramatique (deux filles se disputant le même homme, et qui, par le mensonge de sa mère et un malentendu, va entraîner l’histoire vers un épilogue attristant).

Des femmes et des vieux

Le comble est sans aucun doute de ne pas avoir fait assez confiance à « ces » femmes. En ponctuant son film avec les permissions des hommes venus du Front, il semble se reposer, continuellement, sur les mâles pour faire avancer son histoire. Or, les femmes suffisaient amplement à nous intriguer. D’autant que Nathalie Baye, Laura Semet mais surtout Iris Bry, véritable révélation, candide et charismatique, ont de quoi faire avec leurs problèmes et leur caractère.

Tant de peine sur leurs épaules. L’épuisement que l’on ressent. Quelques précieux éclats de vie. Très lentement, tout s’installe pour que les mensonges, manipulations, hypocrisies, infidélités et avidités gâchent la bonne entente qui règne dans cette ferme sans hommes. Xavier Beauvois a beau maîtrisé parfaitement ses travellings majestueux, il est avare en confrontations (Baye et Smet ne se font vraiment face qu’une seule fois, un comble pour la mère et la fille qui partageaient pour la première fois le grand écran) et le temps passe, comme les années, avec une certaine routine, un certain ennui. Et lorsque son scénario s’éloigne du réalisme pour nous emmener vers un drame romantique, il accélère le temps et les scènes, ne cherchant pas à s’intéresser aux sorts de chacun, maudits ou épanouis, préférant un épilogue étrange, pour ne pas dire énigmatique.

De ces Gardiennes, on ne retiendra alors qu’une forme de nostalgie, presque spectrale, pour un cinéma passé. C’est pourtant quand il filme les femmes dans leur condition sociale et dans leurs contraintes « culturelles », laborieuses, déterminées et valeureuses qu’il dépasse l’observation (comme on regarde un tableau) pour capter une alchimie entre les Amazones et leurs champs.
 
vincy

 
 
 
 

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