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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Wonder
USA / 2017
20.12.2017
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NOTRE FILS, NOTRE BATAILLE
« Je ne serai jamais un gamin ordinaire. »
Dans les faits, Wonder est le premier gros succès public en Amérique du nord pour Julia Roberts depuis 2001. Il est étonnant que l’ancienne reine de la comédie (romantique) américaine revienne en haut de l’affiche avec un pur mélodrame familial. Non pas que l’actrice soit illégitime dans le genre (elle a eu quelques succès en tirant les larmes des spectateurs). Mais a priori les spectateurs aiment quand elle éclate de rire de toutes ses dents (le fameux Julia Roberts Smile, qui ici a le droit à une apparition, malgré tout).
Wonder est donc la surprise de la saison au box office nord-américain, et le film qui redore le blason d’une de ses plus grandes stars. Pourtant le film de Stephen Chbosky n’a rien d’exceptionnel cinématographiquement. Mais il est incontestablement efficace. Et surtout il est rassurant. Pas simplement avec sa surdose de bons sentiments, ce vernis « feel-good » qui envahit les plateaux télés et les librairies avec experts, coach et apôtres de la méditation.
Zone de confort
Wonder rassure parce qu’il est exactement ce qu’on attend de lui. Une histoire émouvante, un message humaniste, un drame sur le ton de la légèreté, une apothéose glorieuse comme happy end. De l’amour, de l’amitié, de l’affection : tout y est. Nous sommes en zone de confort. Pas de twists, pas de tragédie, pas de méchanceté. Et puis cela réconforte aussi : à moins d’être profondément cynique ou sans cœur, on en sort en se disant que le monde est cruel mais pas totalement pourri.
Bon reprenons : une famille aisée new yorkaise a un seul souci dans la vie, le petit dernier proprement défiguré de naissance. Un Freaks aux yeux du monde. Un enfant ordinaire qui aime Star Wars, les sciences et souffre quand même de sa solitude. C’est l’année du plongeon dans le grand bain puisqu’il doit entrer au collège, autrement dit se confronter au monde. Wonder raconte cette année au fil des saisons. Mais le fil chronologique n’est pas le seul conducteur de ce scénario très classique, avec ses hauts, ses bas, ses trahisons, ses mensonges ou ses joies.
L’histoire est découpée en chapitres plus ou moins courts où l’on oriente le récit en fonction d’un personnage (le gamin, la sœur, le copain…). Malheureusement ce procédé n’a aucune utilité ici. Si le scénario bifurquait à chaque fois en changeant de point de vue (comme dans les séries La Gifle ou 13 Reason Why), ça aurait été justifié. Ici, très rapidement, le personnage secondaire est renvoyé à son statut de second-rôle (avec cet affront cinéphilique de nous frustrer quand Sonia Braga n’apparaît que le temps d’une seul scène).
Rires et larmes
Ce mécanisme artificiel est un ratage total pour la narration, comme une promesse non tenue. Mais cela ne gâche rien au reste. Car le réalisateur a du se rendre compte que le sujet principal suffisait amplement. Wonder n’est que l’histoire d’une déflagration : la naissance d’un bébé pas comme les autres et ses répercussions, plus ou moins violentes, sur son entourage. Bien sur ce qui le sauve et nous sauve c’est bien son sens de l’auto-dérision, l’empathie des parents, la douceur de la sœur. Et cette histoire trop belle pour être vraie où chacun trouvera son bonheur.
Aussi Wonder ressemble davantage à un conte de fée qu’à un mélodrame réaliste. Toute cruauté est vite atténuée. Toute douleur est vite gommée. Ici tout est affaire de réconciliations, avec l’autre comme avec soi-même. Là où l’on pensait bêtement que nous avions devant nous un film didactique sur l’acceptation de la différence, aux tonalités chrétiennes (supportons nos croix, traversons le calvaire), le film déroule en fait une autre morale universelle : aimons-nous les uns les autres. Le pire, c’est qu’avec un tel sujet, un tel personnage, et de tels acteurs (le couple Roberts/Wilson est l’un des plus glamours de l’année), ça fonctionne : on nous tire les larmes sans efforts. On peut reprocher beaucoup de choses à ce film très « factice » et trop prévisible sauf le fait d’être hyper-sensible.
vincy
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