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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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LA FEMME SEULE
Dès le début il y aura des cris, comme un exutoire de quelque chose de pénible, trop lourd. Le réalisateur Andrea Pallaoro s’est attaché à filmer le quotidien avec de longues séquences où l’on découvre Hannah à travers la routine de ses gestes. Nettoyer chez les autres, ranger chez elle, aller d’un endroit à un autre pour ne pas trop tourner en rond, aller nager pour ne pas couler, et surtout des préparatifs pour un anniversaire... Le film progresse avec une certaine "sensorialité" et une dialectique visuelle (dehors / chez elle ; le corps / la psychologie ; le visage / le décor).
Les dialogues sont plutôt rares, car Hannah est isolée des autres. Le procédé pourrait sembler aride mais il est immersif: des clés pour appréhender son drame arrivent au fur et à mesure au spectateur. Cette économie de moyens conduit le film à se reposer entièrement, à peser même, sur les épaules de cette femme, que l’on découvre en lutte pour retrouver une certaine dignité. Telle la baleine, elle s'est échouée. Peut-être revenir à la mer? La vieillesse est assurément un naufrage.
Hannah dévoile son histoire par petit morceaux mais pour l’essentiel c’est avant tout le portrait troublant d’une femme qui chaque jour essaie de supporter les conséquences de quelque chose d’indicible. Par petites touches le film nous fait approcher une souffrance intime, l’éclatement d’une famille, la déflagration intérieure d'un mental fragilisé.
Le regard troublé de Charlotte Rampling est troublant pour le spectateur. Redevenue une actrice de premier plan dans les films assez similaires, entre deuil et silences, regards et déchéance (Sous le sable de François Ozon, I, Anna de Barnaby Southcombe, son fils, 45 years de Andrew Haigh), elle a aligné nominations et grand prix. C’est d’ailleurs un paradoxe : c’est quand la caméra fixe en gros plan le visage et le corps de Charlotte Rampling sans artifice qu’il se dégage d’elle le mystère de son personnage (et finalement l'énigme Rampling devient encore plus indéchiffrable).
Plus elle est filmée et scrutée, au plus près, et plus on la voit comme étant une autre. C'est un talent étrange qui est propice aux drames introspectifs. Avec Hannah elle est quasiment dans le cadre tout le temps du film, à la fois souffrant de solitude tout en espérant soulager une blessure. Elle porte le film, le récit, ses drames, son personnages comme on porte une croix avec l'obligation d'avancer. C'est une épreuve. Il faut de la curiosité. Mais l'actrice comme le spectateur comprennent finalement que l'expérience s'avère payante. La quête d'identité (être soi ou être celle que les autres voient) trouve ici une œuvre fortement identifiée.
Kristofy
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