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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La mort de Staline (The Death of Stalin)
Royaume Uni / 2017
21.03.2018
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LES VAUTOURS NE PORTENT PAS DE COSTARDS
« Il n’y a plus de médecins. Tu les as tous envoyés au Goulag ou exécutés. »
A partir d’une bande dessinée française, Armando Iannucci réalise un film sur la Russie soviétique et le communisme, avec des acteurs britanniques. Il y aurait de quoi y perdre son latin. Pourtant ce théâtre de marionnettes est un vrai plaisir à regarder. Evidemment, la jubilation des comédiens à incarner des pontes du PC aussi hypocrites que manipulateurs, cyniques que méprisables, y contribue fortement.
Lèches-cul de Staline de son vivant, ils deviennent des prédateurs sans foi à l’égo boursoufflé pour lui succéder. Lorsqu’on sait, historiquement, lequel va gagner (aka Nikita Khrouchtchev), le plaisir de voir le futur chef d’Etat de l’URSS perdre toutes ses batailles contre l’ignoble Lavrenti Beria. Le film prend quelques libertés historiques, mais ce n’est pas le sujet. A la manière d’une pièce de théâtre, La mort de Staline met en scène la vilénie et l’absurdité des complots et combats politiques pour parvenir à ses fins (en l’occurrence garder le pouvoir).
Cet House of Cards au Kremlin est une satire féroce tout autant qu’un drame burlesque, où des personnages grotesques (mais hélas inspirés par de vrais monstres réels) semblent échapper d’un film des Marx Brothers. Des dialogues fins, des scènes désopilantes, des gags sans esbroufe et des situations surréalistes rendent cette pièce – les coulisses d’un deuil national dont les protagonistes se foutent comme de l’an 40, occupés à régler leurs comptes et évincer leurs rivaux – cinglante.
Ironique de bout en bout, cette « pièce » n’aurait pu être qu’un divertissement extatique pour l’esprit. Mais la mise en scène de Iannucci, proche du Vaudeville empruntant même quelques saillies à l’humour russe, n’oublie pas de dépeindre l’horreur du régime stalinien. Il y va frontalement quand il s’agit de montrer les exactions et les exécutions décidées par ces Guignols qui gouvernent. Torture, viol, prison, arrestations arbitraires, Goulag, assassinats et autres festivités réjouissantes révèlent un peuple terrifié autant que tyrannisé.
C’est en alliant ces contrastes – les notables qui s’entredévorent autour du cadavre de Staline et le peuple victime de ces notables, la bourgeoisie opulente et la population misérable, la comédie et la tragédie – que La mort de Staline réussit à être aussi juste sur son propos et tend vers une universalité inattendue. Ces hommes grisés par la lumière, jusqu’au ridicule, boursoufflés par leur pouvoir, jusqu’à l’inhumanité, dansent une Valse de Pantins dont les spectateurs – les citoyens – font les frais dans l’indifférence la plus générale. Le Marxisme stalinien est finalement assez proche du Libéralisme capitaliste si on osait cette comparaison. La boucle est bouclée avec In The Loop, l’excellent film du même Iannucci.
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