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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Une saison en France
France / 2017
31.01.2018
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QUAND ON N’A PLUS RIEN À PERDRE
« Les morts ne reviennent jamais.»
Après un joli doublé en Afrique – Un homme qui crie, Grigris - Mahamat-Saleh Haroun s’invite en France avec son nouveau film.
Si Grigris pêchait par son optimisme légèrement naïf, Une saison en France semble teintée d’une désillusion et d’un pessimisme qui ternit son cinéma. On reconnaît son talent pour la fable universaliste. Ce film ne fait pas exception.
A partir d’une famille de centrafricains réfugiés en France et attendant leur droit à s’installer dans le pays, le réalisateur raconte le traumatisme de la guerre qu’ils portent sur leur dos, l’espoir d’une reconstruction et la violence de décisions dénuées d’humanité. D’exilés ils deviendront fantômes, comme la mère morte en Afrique, disparaissant dans la nature.
Ces nomades attendrissants cherchent l’impossible sédentarité. Mais Mahamat-Saleh Haroun décrit un environnement qui ne fait pas rêver : une France fermée sur elle-même, malgré quelques « gens biens » comme le personnage de Sandrine Bonnaire, impuissante à les sauver.
Il y a quelque chose que sait transmettre le cinéma de Haroun : l’amertume. Ce sentiment apparaît quand on voit cet ancien prof et son frère érudit faire des petits boulots alimentaires. Mais au-delà de cette rétrogradation, les personnages semblent habités par la résignation.
Malheureusement, l’histoire ne va pas beaucoup plus loin, manquant à la fois son angle romanesque, pourtant entrouvert, et son angle politique, en voulant à tout prix éviter le didactisme. L’amorce du récit est laborieuse. Et les rejets en série qui servent de ponctuation, ou de rebondissements, n’entraîne aucun élan dramatique.
La difficulté de bander des hommes, métaphore un peu trop visible de leur impuissance, n’est que l’illustration de cette atmosphère dépressive, où seules les injustices et la précarité réveillent le spectateur et le révoltent.
La disparition
Les misérables du XXIe siècle ont toute notre empathie. Malgré les tragédies qui les assomment, malgré l’indifférence qui les entoure, la mise en scène réussit à les « intégrer » dans notre paysage. Or, on sait bien, qu’ils ne sont pas intégrés. C’est tout le défi du réalisateur : faire un film naturaliste et réaliste même, en nous faisant croire à un joli conte.
Mais à trop désespérer, sans essayer de les sauver, à lancer des s.o.s de terriens en détresse, sans accepter d’aide, il fait de ces personnages des victimes trop faciles, proches de martyrs abandonnés par la République. Indésirables et invisibles, ils se taisent. Et nous laisse, comme le personnage de Bonnaire, avec le regard perdu dans le vide.
Une saison en France s’avère alors trop faible pour ce qu’il dénonce, trop gentil pour cette critique politique, trop aimable pour provoquer une prise de conscience. De ce film empli de bons sentiments et de bonnes intentions, il reste une tristesse infinie… qui aurait pu nous bouleverser.
vincy
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