Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Human Flow


Allemagne / 2017

07.02.2018
 



LA CONDITION HUMAINE





«Dans nos pays, on entendait qu’en Europe il y avait la démocratie, la liberté, les droits de l’Homme et le respect.»

Le Chinois Ai Weiwei est un artiste pluridisciplinaire et engagé, réputé dans le monde entier, pas forcément bien vu dans son pays pour ses prises de paroles libres et l’intérêt mondial pour son œuvre subversive. Human Flow est son premier long-métrage. Et c’est un documentaire poignant et révoltant.

Passionné par les migrations et les mouvements de populations, Ai Weiwei propose une immersion dans les flux humains qui s’exilent, fuyant la guerre ou / et les massacres dans leur pays.

Il filme le monde en deux dimensions. D’un côté, on sent l’artiste qui sommeille en lui quand il s’émerveille de la beauté du monde et offre des scènes splendides, une mer bleue vue du ciel ou un animal sauvage bridé par l’homme. Il s’amuse avec les outils du cinéma pour montrer la planète, offrant parfois des séquences oniriques ou fascinantes (merci les drones). De l’autre côté, avec un smartphone ou une caméra à l’épaule, il est au plus près des visages, de la détresse humaine, de leurs espoirs et de leurs résignations, de la misère dans laquelle on les enferme, souvent dans des lieux hostiles, et de la chaleur qu’ils conservent malgré tout.

Ai Weiwei réalise un film éminemment politique, avec un parti pris simple : ces « migrants » sont des exilés, des réfugiés, des gens comme les autres. Les pays qui les rejettent sont coupables d’un crime contre l’humanité. On peut y voir du simplisme. Mais on ne peut pas lui donner tort. D’un point de vue purement humaniste, il est du bon côté de l’Histoire. De la Grèce à l’Irak, de la Jordanie au Pakistan, du Bengladesh à la frontière américano-mexicaine, de l’Afrique sahélienne à la Turquie, de Lampedusa à l’Afghanistan, du Liban à Gaza, de Berlin à Calais, cette épopée périlleuse entre villes anéanties et camps de fortune frappe par sa fluidité. On passe d’un pays à l’autre sans avoir l’impression, contrairement à ces exilés, d’être bloqués à une frontière.

Un chant triste comme une prière

Ai Weiwei ponctue cette odyssée avec des vers de quelques poèmes orientaux, des titres de journaux occidentaux, des rappels informatifs et pédagogiques, quelques entretiens « prestigieux ». Pour le reste, refusant le didactisme, il laisse la parole à ceux qu’il filme, préférant les échanges sans enjeu, mais si humains, à des conversations ou des réflexions sur le sujet. Ce mélange de formes et de styles produit une œuvre profonde et riche dont on ne ressort pas indemne.

Ces longues marches d’apatrides, entre épuisement et bravoure, provoquent ainsi une colère. L’incompréhension de notre inhumanité nous laisse même perplexe sur ce que nous sommes devenus. Une civilisation égoïste, hypocrite, qui délègue, « externalise », l’accueil de ces réfugiés à des pays tiers, en payant le prix qu’il faut.

Derrière les barbelés, il y a des problèmes d’éducation, de santé, des traumatismes pour toute une génération de jeunes qui sont dorénavant désœuvrés. Une génération qui va grandir dans la détestation. Face à cette injustice internationale, on ressent notre impuissance et notre honte. Cet « exodus » gigantesque (65 millions de personnes ont été obligées de s’exiler, un record depuis la seconde guerre mondiale) conduit à des aberrations. Les pays riches semblent incapables de gérer la marée humaine qui se déverse sur leurs terres, marée causée par des guerres qu’ils ont parfois provoquées, mais savent collaborer quand il s’agit de sauver un félin d’une espèce en voie d’extinction pour l’envoyer de Palestine en Afrique du Sud. Dans ce cas, on oublie les postures politiques, les rivalités religieuses, la méfiance du voisin.

Montrer plutôt que de démontrer

Ai Weiwei semble effondré par ce qu’il voit au cours de son périple. La méditerranée est rouge sang. Les murs s’érigent comme dans un film SF où l’on veut se protéger de zombies (70 pays ont construit des murs alors qu’on fêtait la destruction de celui de Berlin il y a 30 ans). Les réfugiés s’entassent dans des villes nouvelles en toiles ou dans des hangars d’aéroports ou dans une gare désaffectée. L’Allemagne, l’Italie, la France en prennent pour leur grade. Les Etats-Unis aussi, ce pays d’immigrants.

Human Flow essaie de réveiller nos consciences et rappelle qu’avec les inégalités, l’insécurité, le réchauffement climatique, ces migrations ne sont pas prêtes de s’arrêter. Le monde rétrécit. Et il faut bien le partager. Peu importe son nom, son passeport, sa terre d’origine.
 
vincy

 
 
 
 

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