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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Coby
France / 2017
28.03.2018
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A SIMPLE GUY
« J’ai une histoire marrante à vous raconter… »
Au début, on croit à une fiction. La mise en scène nous embarque dans le quotidien d’un urgentiste, forcément un peu dramatique. Mais c’est bien un documentaire, alternant confessions, journal intime sur YouTube et conversations, qui se déroule sous nos yeux. Le récit a tout d’un conte initiatique, où la métamorphose du sujet n’est qu’un objet de réflexion (tout tourne autour de « ça ») et d’introspection.
Coby est avant tout transcendé par sa narration. Il ne s’agit pas de rendre la transformation d’une femme en homme spectaculaire, dramaturgique ou sensationnelle. Le documentaire observe plutôt les effets et les conséquences d’une telle mutation génétique, désirée jusque dans le subconscient, rendue possible avec la science.
Ainsi on voit peu les opérations chirurgicales. Le montage préfère les plans travaillés sur les corps. Le féminin (la mère qui se coiffe) comme le masculin (les mains du père). C’est évidemment le corps de Coby qui occupe l’espace. Ce corps qui évolue, dont on voit quelques détails : les poils, les tétons, la carrure… Rien d’exhibitionniste ou même d’impudique. Tout paraît naturel.
Moteur à réactions
Ce qui intéresse Christian Sonderegger, discrètement et délicatement, ce sont les répercussions de cette transformation sur une famille. La fille, la sœur, la petite amie devient le fils, le frère, le petit ami. Dans cette Amérique ordinaire, il y a avant tout le regard des autres qu’il faut dépasser, l’acceptation difficile qu’il faut digérer, l’intégration nécessaire qu’il faut assimiler. Cela prend du temps, cela cause des maladresses.
Mais Coby est né « dans la bonne famille ». Ouverte. Unie. Compréhensive. Ce qui évite là encore toute dramatisation. Cela ne signifie pas que changer de sexe n’a pas de conséquences sur les autres. Chacun a son vécu et ses obstacles personnels. Mais le documentaire pourrait servir de « modèle », de manuel pour les Nuls. Pédagogique et psychologique, le film est lumineux et positif, sans jamais être dans la compassion ou la naïveté.
C’est un regard frontal et comportemental, à la fois extérieur (la caméra est un agent provocateur en soi) et intérieur (le documentariste est un membre « invisible » de la famille). Le spectateur est embarqué dans une aventure intérieure où « il n’y a rien à comprendre », où il n’y a pas d’autre explication que ce désir profond de changer de genre. C’est aussi l’histoire d’une obsession. Durant plusieurs années, c’est le noyau du réacteur de cette famille. La décision de Coby, qui n’est jamais jugée ni remise en question, révolutionne aussi bien les habitudes que les souvenirs.
Transgenre. Le film l’est (entre docu dans le fond et fiction dans la forme). Le sujet l’est. Il suffit d’écouter la voix de Coby muer au fil des injections de testostérone pour capter l’évolution hormonale. Mais là où souvent on nous interpelle sur les questions d’identité, le film s’intéresse davantage au portrait intime d’un mec né avec un utérus. On ne se questionne jamais sur son choix. Il semble évident. « Aucun doute, c’est un homme » dit son frère. C’est sans doute ce qu’il y a de plus beau et de plus juste. Le film est une déclaration d’amour envers un fils/frère/boyfriend qui maintenant « peut commencer le reste de sa vie ». Sa vraie vie.
vincy
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