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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Red Sparrow
USA / 2018
04.04.2018
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RED STAR
"Vous serez former à la manipulation psychologique"
Dans la lignée des Wanted et Atomic Blonde, voici Red Sparrow. En tout cas le film de Francis Lawrence (la trilogie Hunger Games) se veut un de ces thrillers d’espionnage avec agent double sexy. On est dans le même format : on doute des intentions de l’héroïne dans ce jeu de manipulations et de trahisons.
Mais à la différence d’Angelina Jolie à Washington et de Charlize Theron à Berlin, Jennifer Lawrence n’est pas une « action-girl ». Red Sparrow, et c’est ce qui peut surprendre le fan du duo Lawrence/Lawrence, est avant tout un film à suspense, entre polar violent et froid, et jeu de pouvoirs.
Finalement, le « moineau rouge » donne peu de coups. A l’origine danseuse brillante du Bolshoi, elle a pour atout son intelligence, son instinct, son physique. Et si elle frappe peu, elle encaisse beaucoup. Sa chair n’est pas ménagée entre douches glaciales et armes blanches, diverses tortures et une dépossession « officielle » de son corps. Un vrai calvaire, brutal.
Le film frustrera sans doute ceux qui attendent des courses-poursuites et quelques bonnes bastons. Même s’il y a quelques séquences où les effusions de sang ne manquent pas, Red Sparrow reste avant tout un thriller cérébral avec indices, fausses pistes et manigances. C’est convenu et pourtant on évite le récit surligné, le message surappuyé ou la morale surexposée.
Patriotisme broyeur d'identité
Le réalisateur recherche davantage à séduire qu’à épater. A l’instar de ce long prologue où s’alternent un ballet classique sans enjeu (a priori) et un rendez vous entre une taupe et un agent de la CIA (qui va mal tourner). Francis Lawrence refuse le sensationnalisme, le rythme trépidant. Il installe sa séquence et ses deux personnages. Prend son temps.
Dans ce jeu à triple bande, parfois un peu sadique, et en tout cas masochiste, l’histoire de l’héroïne importe finalement peu. On est pris dans les méandres de ce méli-mélo qui ne surprendra pas les amateurs de littérature policière (John le Carré n’aurait pas renié le pitch). Hormis le poutinien oncle au sang froid (Mathias Schoenaerts) et la reptilienne professeure sans affect (Charlotte Rampling), les rôles secondaires sont trop synoptiques pour créer des enjeux humains. On reste dans un récit binaire d’une femme sous l’emprise d’un système et qui cherche à s’en échapper. Une victime qui a scellé son destin en faisant volontairement les mauvais choix ? Pas si simple.
Survival séducteur
C’est tortueux, malin. Sans être original, Red Sparrow est séduisant, mais s’oublie assez vite, malgré un final machiavélique et une actrice déployant tout son talent. Cependant, on reste assez stupéfait par la dureté, la noirceur et la froideur du propos. Ce film clairement anti-russe, un peu construit sur les vestiges d’une guerre froide officiellement achevée, fait un écho étrange à l’actualité et pourrait nous faire croire à la résurrection d’un affrontement glaçant entre l’Occident et cette Russie patriotique et broyeuse de destins.
Divertissement bien calibré, bien fabriqué, avec ce qu’il faut de glam et de gore, il manque sans doute d’une profondeur psychologique pour avoir un peu plus de relief. Au moins se détache-t-il des films du genre récents (effet Jason Bourne) pour retrouver un certain classicisme. Red Sparrow réussit à ne pas nous perdre dans son labyrinthe grâce à un scénario efficace et limpide, au service d’une actrice qui prend plaisir à jouer les simulatrices. Un joli pas de deux entre « Lawrence », aussi harmonieux que précis.
vincy
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