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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Kings
USA / 2017
11.04.2018
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LA VÉRITÉ SUR L’AFFAIRE RODNEY KING
« Pas de justice, pas de paix !»
Deniz Gamze Ergüven nous avait soufflés avec Mustang il y a trois ans. Elle revient avec Kings, son premier film qu’elle avait en tête. Une chronique américaine autour du racisme, à partir d’un fait divers épouvantable et réel : l’affaire Rodney King, au début des années 1990.
Sur la forme, Kings est un faux huis-clos – il se situe intégralement dans un quartier populaire de Los Angeles, autour du foyer de Millie, havre de paix où s’entassent des gamins vifs et joyeux. Le film mélange ainsi la fiction (l’histoire de Millie, de son ainé Jesse et du voisin, seul blanc des environs), les archives (procès) et les directs télévisés autour de l’affaire. Cela produit un résultat étrangement harmonieux, et même très cohérent, décryptant à la fois une époque et les réactions à l’affaire.
Mais, avant tout, cela permet à la réalisatrice de nous mettre sous haute tension. De nous faire ressentir la colère qui gronde, de nous plonger dans le chaos qui va embraser la métropole californienne. En cela, Kings, qui démarre avec un homicide volontaire blanchi par la justice, est une œuvre sur l’injustice, ses conséquences, et le racisme. Black Lives Matter, déjà.
Mais, ce n’est pas un film de guerre, malgré les apparences du final. C’est le récit d’une spirale infernale dans laquelle vont être entraînés des gens honnêtes (révoltés). Aussi la cinéaste prend le soin de décrire cette famille autour d’une mère-louve : des gamins qui ne sont pas tous d’elle, mais qui sont tout pour elle. Ce portrait d’une famille ne manque pas de force ni de vitalité. L’empathie est immédiate et les caractères comme les visages impriment l’écran. Halle Berry trouve ici un beau rôle qui sert d’attache. Même si l’intrigue centrale pivote davantage autour de l’aîné de la fratrie, Jesse.
Lamar Johnson est une belle révélation. En jeune homme sage et raisonnable qui va être confronté à la jalousie et à la tragédie, il incarne parfaitement l’innocence foudroyée dans un contexte où toutes ses qualités deviennent inutiles.
Le sang et le feu
Dans ce film à cran, s’invite un voisin blanc (Daniel Craig), légèrement cinglé. Le plus étrange est qu’il n’apporte rien au film. C’est même la faiblesse de Kings. Non pas que l’acteur soit mauvais : mais il sert de faire-valoir. En dehors de l’aide qu’il apporte à Millie, il n’a aucun intérêt. De là à nous construire une romance entre les deux, il fallait oser y croire : or, ce n’est jamais plausible.
C’est regrettable car Deniz Gamze Ergüven tenait un grand film sur son sujet, sachant capter les nuances d’une jeunesse égarée ou d’une enfance insouciante, et sachant équilibrer son histoire fictive et les faits historiques. Il y a un rythme, une énergie, un souffle qui nous emballent. Au point d’être frustrés par l’épilogue. On aurait bien continué l’histoire.
Elle sait filmer les petites joies, les bonheurs simples, et les horreurs, la folie. Elle sait construire des relations, entre bonnes influences et mauvaises fréquentations, qui peuvent passer de l’amour à la haine. Crescendo, Kings propose un match perdu d’avance entre la raison et l’émotion. La zone de turbulences sera trop forte. Et nous emmène dans une violence où la nuit, les fumées opaques, les tirs d’armes à feu nous sortent de la zone de confort.
Un Etat de siège qui n’a rien de sensationnel (en l’occurrence il est plutôt onirique). Ce que le film démontre c’est l’escalade qui part du racisme (où le Noir reste une bête à tuer ou à tabasser) et s’achève en guérilla, c’est aussi l’impact d’une décision de justice injuste sur des individus qui n’en peuvent plus d’être non respectés, niés. Dans son dernier roman, La disparition de Stéphanie Mailer, Joël Dicker évoque ce chaos avec le titre d’une pièce maudite, « La nuit noire ». Deniz Gamze Ergüven ne filme pas autre chose : ce passage qui nous amène à devenir hors-la-loi, avec tout ce que cela induira après.
Mais Kings ne convainc pas complètement car il est déséquilibré sur la fin : l’affaire importante – le trio Jesse/William/Nicole - est maltraitée malgré son destin dramatique tandis que le duo Berry/Craig ne parvient pas à exister malgré ses multiples scènes.
Cela ne retire rien à l’intensité de l’œuvre, ni même à son charme. Malgré tout, il lui manque quelque chose pour que l’on ressente intimement, intérieurement la douleur évidente des survivants. Cette blessure qui va marquer leurs peaux et leurs esprits.
vincy
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