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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Nobody's watching
/ 2017
25.04.2018
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PARENTHÈSE (DÉS)ENCHANTÉE
"Ca te manque, qu'on te reconnaisse dans la rue ?"
Que personne ne le regarde, pas même les caméras de surveillance, c’est tout le drame de Nico, acteur argentin expatrié à New York où il ne parvient pas à percer. Tandis que le personnage de telenovella qui l’a rendu célèbre dans son pays est dans le coma pour une durée indéterminée, lui aussi évolue dans un entre-deux flottant, multipliant les petits boulots et les combines, et jouant en permanence la comédie de celui pour qui tout va bien.
On a déjà vu souvent ce personnage d’acteur au chômage qui galère pour percer, ou renouer avec le succès. La force de Julia Solomonoff est d’en faire non pas un has been, un loser pathétique, ou au contraire un candide éthéré, mais simplement un homme en plein doute, qui cherche sincèrement un sens à sa vie, sans jamais être ridicule ou humilié. La relation qu’il noue avec Théo, le petit garçon dont il s’occupe, cristallise à la fois sa crise existentielle (en s’occupant d’un autre, il démontre qu’il peut encore s’occuper de lui-même), son besoin du regard des autres (le bébé est le seul qui le voit sans son masque) et le temps qui passe et amène à la prise de conscience.
De cette manière, le récit se permet d’être ténu et pudique, privilégiant les détails et les non-dits aux longues explications. Le film brosse ainsi le portrait sensible d’un homme entre parenthèses, seul dans l’une des villes les plus frénétiques du monde. New York joue ici un rôle primordial, décor versatile et contrasté qui fait écho aux états d’âme du personnage. Au parc, au supermarché, dans les quartiers chics ou plus modestes, Nico est un exilé volontaire qui ne trouve plus sa place nulle part. Père de substitution que l’on peut congédier en un instant, faux acteur latino (il n’est pas assez typé pour les rôles stéréotypés qu’on lui propose, et pas assez américain pour les autres), cœur brisé qui n’est plus capable d’aimer... il est toujours « à côté », et finit peu à peu par se diluer dans cette existence qui ne lui appartient plus vraiment.
Sans effets spectaculaires, sans lourdeur, Julia Solomonoff dit ainsi beaucoup de l’anonymat qu’imposent les grandes villes et de la perte d’identité et de repères qu’induit l’exil. Son film, simple et épuré, est à la fois d’une grande mélancolie et pleine d’une forme d’espoir qui passe par l’apaisement et la résilience finale.
MpM
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