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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Transit
Allemagne / 2018
25.04.2018
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MISTRAL PERDANT
« Ce qui est affreux c’est qu’ils ne te voient pas…»
Christian Petzold migre à Marseille. Transit est un film entre deux rives. La Française et l’Allemande. Le présent et le passé. L’ancrage dans un lieu et l’aspiration à la fuite vers un autre monde. Le film révèle les troubles de l’identité dans un monde chaotique.
Adapté d’une nouvelle d’Anna Seghers, écrite à la fin de la seconde guerre mondiale, racontant l’exode d’anciens combattants de la guerre d’Espagne, de déserteurs, de juifs, d’artistes et d’opposants allemands au nazisme, tous coincés à Marseille, acculés dans un coin de la Zone libre, avant l’Occupation, avant le Grand départ transatlantique.
Ici, le réalisateur, qui poursuit son travail de l’exploration de l’Histoire allemande, et de ses traumas, et de l’oppression des régimes sur l’individu, transpose le récit dans une Europe contemporaine, où tout est pourtant identique : l’Allemagne est toujours la puissance occupante, la France toujours en panique. Mais les voitures sont modernes, l’urbanisme actuel. Les décors et les costumes sont pourtant bien datés des années 1940. Nul smartphone. Aucun ordinateur. On va aux Amériques en gros paquebot. Ces anachronismes confèrent un sentiment étrange au spectateur, bien plus troublant que l’usurpation d’identité qui sert de colonne vertébrale au scénario (comme pour le film précédent de Petzold, Phoenix).
Résistance, délation, rafle, Etat policier… tout y est. On ne peut s’empêcher d’y voir une parabole à l’actualité, avec les réfugiés et les exilés des pays en guerre qui arrivent en Europe depuis quelques années. « Le livre du suicidé est un écho au futur » entend-on. Mais, pourtant, rien n’est expliqué. Le réalisateur ne cherche pas à surligner l’écho entre aujourd’hui et hier, ni souligner la détresse des êtres poussés à migrer.
Zone pas franchement libre
Avec autant de risques formels, on est loin de la zone de confort d’un film historique adapté d’une œuvre littéraire classique.
Chez Petzold, la folie et la culpabilité ne sont jamais loin. Si chaque personnage est ambigu, ils sont moins mauvais qu’ils n’y paraissent. Finalement tout ce qu’a écrit le mari suicidé, qui va enclencher l’histoire romanesque, est le reflet de ce que les protagonistes vont vivre. On nous l’annonce vite : « la fin est épouvantable ».
L’écrivain est extralucide. Sans doute la raison de son acte désespéré. Ainsi la voix off, qui se superpose à la lecture du roman et aux scènes fictives, n’est pas superflue : elle donne l’aspect formel littéraire à un film qui cherche une distance avec l’émotion tout en universalisant son propos.
Entre hontes et peurs, les « fuyards » persécutés se lancent dans ce dédale sentimental, sur fond de thriller. Parfois bancal, ou inégal, le film, reste séduisant de bout en bout, parfois fascinant même. Le cinéaste parvient notamment à transmettre une empathie pour ces âmes égarées, solitaires dans une ville ensoleillée où règne pourtant le désespoir. Ils semblent piégés comme des rats, dans un hôtel miteux ou un appartement squatté, attendant le visa qui les délivrerait de ce cauchemar. Ils sont bien « en transition », entre leur vie d’avant et leur futur hypothétique, entre l’Europe et l’Amérique, entre la nécessité de fuir et l’envie de rester.
Malgré quelques fulgurances de bonheur, le malheur n’est jamais loin. Il suffit d’un instant d’inattention, d’un regard détourné. Existentielle et tragique, l’errance, entre ombres fantomatiques et jolis jeux de lumière, aboutit à une forme d’impasse. Seul, peut-être, de manière elliptique autant qu’énigmatique, l’amour survit, même si la mort hante tous ceux que Georg croise. Loin de tout réalisme, belle dans son allégorisme, Transit est une œuvre subliminale de la malchance. Elle ne sauve d’ailleurs que le personnage de Franz Rogowski, usurpateur aux faux-airs de Joaquin Phoenix, qui transcende littéralement ce rôle intérieur et mutique en une allégorie de la souffrance humaine cherchant sa rédemption dans le sauvetage des autres : l’enfant d’un compagnon, la veuve d’un écrivain. Mais on ne peut sauver personne si on ne se sauve pas soi-même…
vincy
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