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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Tully
USA / 2018
27.06.2018
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LE MONDE DE MARLO
" - On soigne pas une partie sans sonder le tout.
- Ça fait longtemps que je ne me suis pas fait sondée.."
Il faut y voir un conte de fée dépressif. Tully est une « mélodramadie » sensible sur les thèmes favoris de Jason Reitman : la famille et la crise existentielle. De Juno à In the Air (ses deux meilleurs films) en passant par Young Adult et Men, Women and Children, le cinéaste canadien continue de rester sus l’influence d’un cinéma à la Alexander Payne.
Tully a beaucoup d’atouts pour être une histoire touchante et séduisante – à commencer par son humour sarcastique -, universelle et féministe, bref dans l’air du temps. Si la mise en scène est sobre, mais toujours juste, le film souffre du charisme écrasant de son actrice principale (pour ne pas dire centrale) : Charlize Theron.
L’actrice, dont on sait depuis Monster sa capacité à transformer son corps, ne se ménage pas. Une grosse dizaine de kilos, un ventre mou qui tombe, un visage à peine maquillé, des fringues usées… Elle habite littéralement son rôle et porte ce film sur ses épaules comme un catcheur soulève son partenaire/combattant.
Car si elle adhère complètement à ce récit d’épouse/mère épuisée et au bout du rouleau, on comprend bien que ce qu’endure le personnage (la routine, la fatigue, la dépréciation, la dépression) n’est pas une « love story » avec soi-même. Le portrait du mariage comme de la maternité, sans être trop cru, est plutôt effroyable. Et frontal : rien n’est épargné et le film ferait presque un parfait manuel de la femme qui vient d’accoucher (et les souffrances qu’elle subit).
Surplus de lait
Cependant, la scénariste Diablo Cody ne se contente pas de centrer son récit sur cette femme dévastée par trois grossesses, l’âge qui passe et l’ennui. Elle insère subtilement des personnages secondaires, qui s’avèrent moins binaires qu’en apparence : du fils « singulier » au mari « ailleurs », en passant par le frère vaniteux mais généreux et son épouse compassionnelle mais cruelle. Au fil de l’histoire, notre opinion sur eux changera, faisant finalement porter la responsabilité sur le mari, tout en lui donnant une forme d’absolution finale.
C’est peut-être là que réside la frustration de ce film hyper-sensible. Une fois la vérité qui éclate sur le personnage de Charlize Theron, l’épilogue semble trop furtif, comme une ellipse laissant ouverte à de multiples interrogations et interprétations. Le spectateur doit remplir la fin lui-même de scènes manquantes.
Ceci est son corps
Cela n’empêche pas le film d’être une jolie fable sur la force intérieure qu’on peut dégager d’un rêve. Que ce soit la vision de gigolos en rut dans une émission de télé-réalité ou l’hallucination de sirènes dansant dans les abysses. Sans révéler quoique ce soit : Tully (Davis) est le nom d’une nounou de nuit qui aide Marlo (Theron) au point qu’elle se remet à devenir séduisante, à prendre soin d’elle et à retrouver le sourire.
Ce jeu de miroir entre une femme mature qui n’a plus aucune ambition autre que sa vie de famille et une jeune fille libre et érudite qui a l’avenir devant elle est un joli cas de cinéma psychanalytique et chimérique.
Pour une fois, chez Reitman, il y a de la magie dans l’air. Même si cette magie est frelatée. Et reconnaissons que le twist qui nous fait passer du faux réel à l’imaginaire en arrivant au réel, est aussi suave que sidérant, et mis en scène en trois plans d’une très belle intensité. Ici aucun événement surnaturel ou phénomène paranormal : Tully est une histoire simple, sur une femme simple, dont les songes n’ont rien de banal, a priori. Ce récit spectral aurait peut-être gagné en émotion avec une fin plus dense et une actrice, parfaite répétons-le, moins dévorante.
vincy
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