Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Au poste!


France / 2018

04.07.2018
 



INTERROGATOIRE SURPRISE





"Je n’avais jamais vu de cadavre en vrai, sauf dans les romans!"

Quentin Dupieux a son style, peuplé de références. Au poste !, par son humour absurde et, surtout, par son cadre très années 1980 (col roulé et vieux cuir, machine à écrire et vieux téléphone filaire), a quelque chose d’un film de Bertrand Blier vintage. Ça saute aux yeux (ou à l’œil si on est borgne). Le réalisateur emprunte aussi à Claude Miller (Garde à vue), aux Nuls (côté vannes) et à lui-même (Réalité, Steak...).

Derrière ce contexte cinématographique bien établi, ce théâtre où les mots révèlent la folie du monde et le désespoir des humains, il reste pourtant un ton qui lui est propre. On accroche ou pas au délire (quand même très hilarant) de ce (faux) huis-clos dans un commissariat très français - des flics pas très efficaces mais assez compétents – où le moindre innocent peut s’avérer plus coupable qu’il ne le sait lui-même.

Dans une société où on doit toujours se justifier, où tout est surveiller, l’imprévu – en l’occurrence un cadavre - peut entraîner une spirale de gags tout autant qu’un enchainement de quiproquos vers un cauchemar infernal.

C’est peut-être ça qui relie tous les films de Dupieux : le cauchemar. Ici, un banal entretien entre un flic et un témoin se transforme en chaos sémantique et psychologique, où chaque second-rôle fait dérailler une situation a priori classique. C’est du non-sens à l’état pur, à commencer par la manière dont l’interrogatoire se déroule.

Film court (à peine 75 minutes), Au poste ! est un manuel de survie en terre kafkaïenne. C’est aussi une sorte de « screwball comedy » où le cinéaste s’amuse avec les clichés, tord la réalité, dérègle les conventions. Ce déferlement de répliques qui tuent et de bons mots ne serait que clinquant si les comédiens n’étaient pas aussi bons, y compris quand leur personnage est médiocre ou naze.

On décèle alors la part d’humanité qu’il y a dans le film. Le bas niveau intellectuel des protagonistes s’élève par la compassion qu’on accorde à chacun, victime d’un système sans queue ni tête et d’une mécanique enrayée par le sentiment d’inutilité qui les contraint tous à se rendre utile.

Décalé, jusqu’à l’extrême, le film l’est aussi dans sa forme. Au poste ! s’avère ainsi singulier et normal, comique et tragique, fantaisiste et pathétique. Bref humain. Tout est dans ce verbiage, ce langage qui produit le lien social et le malentendu, la réaction et le réflexe, la sécurité et l’inquiétude, l’aspiration à respirer et le risque de suffocation. Cette enquête et cette suspicion générale sont accentuées par le cadre d’une ville anonyme (dévastatrice pour l’épanouissement individuel), à l’urbanisme raté et désuet (mais esthétiquement non dénué de charme), où l’existence est anecdotique et même virtuelle. Ça n’a aucun sens. Et c’est justement ce « non sens » qui sert de fil conducteur. Un fil qui nous rappelle, comme un miroir nous renvoie une image variable selon nos perceptions et nos humeurs, que la vie est ainsi faite : une réalité sordide que l’on cache chacun à sa façon. Un effet papillon dans une armoire aux tiroirs gigognes qui semble détraquer toute rationalité.
 
vincy

 
 
 
 

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