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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Come As You Are (The Miseducation of Cameron Post)
USA / 2018
18.07.2018
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L’ŒUVRE DU DIABLE, LA PART DE DIEU
«- Tu veux pas fonder une famille un jour ? »
Grand prix du jury à Sundance, Come as You Are (The Miseducation of Cameron Post) a sans doute séduit par son sujet, terriblement d’actualité : les thérapies de conversion (ou de réorientation sexuelle) qui conduisent les parents à placer leurs enfants ayant des tendances homosexuelles dans des institutions pseudo-médicales et souvent religieuses qui assurent pouvoir les rendre hétérosexuels.
Le film de Desiree Akhavan prend sa force dans son absence de didactisme. Il ne cherche jamais à dénoncer ces pratiques « barbares », préférant dévoiler progressivement l’absurdité d’une telle démarche. Lorsqu’une tragédie frappe le centre où les adolescents cherchent à suivre le chemin « moral » tout en luttant contre leur nature, ce n’est pas la mission de l’institution qui est remise en cause mais plutôt la qualité de l’encadrement.
Bien sûr, Come as you are choisit son camp. Il y est démontré clairement que ces thérapies poussent à la haine de soi par des méthodes psychologiquement cruelles, un abus de violence mental, provoquant mutilations, suicides, dépressions.
Dès le prologue, un prêtre appelle à expier les péchés, à résister à la tentation, à rejeter le diable qui est en nous. Les adultes se sentent coupables de leurs erreurs passées, enjoignant la génération suivante à ne pas reproduire leurs fautes. Ce non-sens humain et sociétal (la jeunesse étant faite pour expérimenter la vie, chaque individu étant fait pour suivre sa propre voie), aspirant à faire des adolescents de véritables moutons sages, ne peut qu’amener de l’hypocrisie. Liberticide.
C’est ainsi que le personnage de Cameron Post (Chloë Grace Moretz, toujours aussi intrigante) se voit surprise dans les bras d’une amie et envoyée au « couvent ». C’est la seule grande force du film : cette Cameron Post, qui n’a pas encore la maturité pour savoir départager le bien du mal, cherche à savoir si elle est responsable de ses actes (et ainsi changer ses attirances sexuelles) ou si elle est naturellement lesbienne (avec la menace d’être exclue de son entourage).
On peut quand même regretter que le film reste aussi lisse et formaté. La musique prend trop de place. Les crises d’identité et les confusions sont trop similaires pour permettre des relations intra-personnelles riches et variées. Les personnages paraissent trop stéréotypées. L’image n’a aucune beauté particulière. Et le scénario freine toute dramatisation au profit d’une sensibilité qui manque d’empathie ou de lyrisme.
Face aux illuminés – le Dr March et son frère -, il ne reste qu’à Cameron Post de choisir sa voie. Mais l’histoire ne nous permet jamais de craindre ce qui pourrait lui advenir. Si elle encaisse, doute, tremble, si elle ressent la honte et le manque d’amour, si elle comprend la vacuité des mantras qu’on lui assènent, on sait très vite, tuant tout dilemme possible, qu’elle suivra la route de ses potes, Jane Fonda (Sasha Lane) et Adam Red Eagle (Forrest Goodluck).
Ce qui apparaît hors-champ semble finalement plus intéressant : la monstruosité des parents et l’inquisition autorisée d’une pseudo psy et d’un révérend en toc. La violence qu’ils infligent, tout comme le masochisme qu’ils subissent (après tout, le révérend était gay et les parents prennent le risque de « perdre » leurs enfants) résonnent dans ces montagnes où personne ne peut entendre crier les « prisonniers ». Cette souffrance omniprésente aurait sans aucun doute mérité un traitement moins grisâtre et plus noir. Car il s’agit bien d’obscurantisme. Come as you are n’est ni sombre, ni lumineux, sans essayer de revendiquer une personnalité ou affirmer une opinion tranchée.
vincy
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