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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Frères ennemis
France / 2018
03.10.2018
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FLIC ET VOYOU
« Il faut que tu trouves qui a fait ça... »
Une voiture qui transportait une importante quantité de drogue est la cible de coups de feu, c’est l’exécution d’un contrat de mise à mort. Manuel était dans la voiture mais il s’en est sorti. Les proches de la victime et les autres trafiquants pensent qu’il est impliqué. Il est donc recherché par ses complices. Driss, qui a grandi dans la même cité qu’eux, est devenu un policier. Son équipe surveillait justement cette voiture pour remonter vers les chefs de ce trafic. Autrefois gamins ils étaient comme des frères mais depuis longtemps leurs chemins se sont opposés. Ils deviennent ennemis. Pourtant, il va bien falloir que Manuel et Driss se rapprochent pour deviner qui est derrière cette attaque. Quand un flic et un voyou ont besoin l’un de l’autre…
L’ambition était louable. Tenter de réaliser un polar français avec des personnages forts tourmentés par leurs dilemmes et une approche crédible côté bandits comme côté flics. Comme d’autres avant lui (Olivier Marchal, Julien Leclercq, Cédric Jimenez, …), David Oelhoffen a eu ce désir de vouloir explorer et faire partager le milieu du banditisme et de la police avec le plus de crédibilité possible, tout en cédant à divers clichés éculés : les décors dits de banlieue sont représentés de manière plus justes que certains personnages, c’est dire.
Un scénario inégalitaire
La promesse de Frères ennemis était justement de confronter deux mondes et, hélas, ce face à face n’a pas véritablement lieu : entre les deux amis d’enfance, il n’y aura guère de bataille. L’histoire se concentre plutôt en fait sur le voyou Manuel (Matthias Schoenaerts) en tant que fugitif avec, en retrait, le policier Driss (Reda Kateb) qui piétine. La structure même du scénario est ainsi déséquilibrée. L’intrigue elle-même - à savoir qui est responsable de l’attaque mortelle contre les occupants d’une voiture - trouve péniblement sa résolution après divers détours narratifs via divers personnages. Les rares femmes sont presque cantonnées à pleurer à la maison, les habitants de la cité sont comme prédestinés à faire du trafic de drogue (Reda Kateb ayant rejoint la police est vu comme un traître à ses origines, c’est un peu limite). Le récit suit (tout comme la caméra) le dos de Matthias Schoenaerts sous une capuche qui se faufile en courant entre caves et toits de divers bâtiments, portant ses fardeaux : des scrupules envers son ex-femme, des promesses à une veuve, et des négociations avec son ex-pote devenu flic.
Un démarrage en force qui perd son intensité
Matthias Schoenaerts semble avoir tout donné dans le registre de voyou-bouillonnant-avec-un-cœur-de-gentil dans Bullhead et De rouille et d’os. Dans ce type de rôle, il est depuis moins convaincant. Une coïncidence troublante fait qu’il était le héros de Le Fidèle présenté l’an dernier au Festival de Venise, en même temps que le film belge Tueurs autrement plus réussi (avec Olivier Gourmet et Bouli Lanners). Idem cette année à Venise : Frères ennemis est bien moins percutant que le petit film L’Enkas de Sarah Marx où les petits délinquants Sandor Funtek et Alexis Manentit sont autrement plus convaincants que le duo Schoenaerts-Kateb…
Une des faiblesses de Frères ennemis est que ses trois séquences les plus fortes cinématographiquement sont en fait les trois premières du films : une descente de police à l’aube dans un appartement, à sa sortie de prison un homme est accueillis par ses amis, et l’attaque de la voiture. Les diverses évolutions de l’histoire relève ensuite d’un suspens classique et la tension ne remonte pas pour le final. Dommage.
Kristofy
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