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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Dilili à Paris
USA / 2018
10.10.2018
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LA BELLE ET LES BÊTES
Pas facile de tirer à boulets rouges sur un monument du cinéma d’animation français, et du cinéma mondial en général. Pourtant, il n’y a pas grand-chose à sauver dans le nouveau film de Michel Ocelot, certes pétri de bons sentiments, mais plutôt raté sur un plan scénaristique. Peut-être a-t-on totalement perdu notre âme d’enfant, mais la théâtralité des situations et des dialogues, poussée à son paroxysme dans la diction des personnages, sonne de manière si ridicule à nos oreilles qu’il semble impossible de penser à quoi que ce soit d’autre pendant tout le film. Cette erreur d’appréciation dans la direction d’acteurs coupe complètement le spectateur du récit, pour ne lui en laisser voir que les aspects ampoulés, figés et caricaturaux : répliques sur-écrites, héroïne si excessivement adorable qu'on dirait une poupée articulée, rebondissements mécaniques et prévisibles...
De la même manière, le défilé incessant de célébrités rencontrées par Dilili (ponctué par la sempiternelle même phrase "Je suis heureuse de vous rencontrer" qui finit par jouer les running gags involontaires) fait l’effet d’un insupportable et superficiel name-dropping. D’autant que chaque personnalité (qu’il s’agisse de Colette ou de Picasso, de Pasteur ou Toulouse-Lautrec) fait une apparition trop brève pour que Dilili ait le temps de la rencontrer vraiment. Peut-être le réalisateur compte-t-il sur une forme de connivence avec le spectateur, mais dans ce cas à quoi bon ce procédé terriblement didactique ? Et quid du jeune public qui, lui, ne serait pas au faîte des réalités de la Belle époque ?
On en vient à s’interroger sur le public auquel le film cherche à s’adresser : il tombe des yeux des adultes, et probablement des ados et pré-ados pour qui le récit est trop guindé, et reste hermétique aux plus jeunes qui ne connaissent par les innombrables références, et n’ont de toute façon pas le temps de les découvrir au cours du film, et encore moins de les assimiler. On lance d’ailleurs l’idée aux instituteurs.trices qui auraient malgré tout l’envie de s’emparer du film avec leurs élèves, d’un projet de longue haleine permettant d’expliquer en amont qui sont chacune des célébrités mentionnées, et quelle sont leurs œuvres ou leurs accomplissements, et d’explorer ainsi cette passionnante période de la Belle-Epoque. Quitte à être pédagogique, autant l’être jusqu’au bout, et surtout confier ce soin à des professionnels.
Car sur le papier, Dilili à Paris est loin d’être un film inutile ou anecdotique. Son ambition (dénoncer les violences faites aux femmes et vanter les mérites de la civilisation, de la culture et des arts) serait même particulièrement louable, si le conte ne lorgnait pas dans sa dernière partie vers le discours politique ambivalent. Bien sûr que les petites filles asservies, vêtues de noir et réduites à l’état de meuble, sont un symbole du sort insupportable réservé aux femmes de par le monde. Mais tout dans leur tenue évoque aussi les silhouettes anonymes des femmes voilées intégralement dans les pays musulmans les plus stricts. Michel Ocelot donne ainsi l’impression de stigmatiser une religion, au lieu de dénoncer un état d’esprit qui dépasse largement les contours d’un dogme en particulier. Cette maladresse, que l’on mettra sur le compte de sa trop grande colère face aux violences sexistes et sexuelles, achève de nous détourner d’un film décidément manichéen, à mille lieux des contes subtils et légers auxquels le réalisateur nous avait habitués.
MpM
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