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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Kursk
Danemark / 2018
07.11.2018
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MENSONGES D’ETAT
« La vie d’une épouse de marin n’est pas facile. »
Thomas Vinterberg nous plonge en eaux troubles. Non pas celles de la mer de Barents, glaciales, mais bien celles d’un fiasco politico-médiatique qui a coûté la vie d’une centaine de sous-mariniers russes.
Dans ce film qui dénonce clairement l’incompétence des autorités du pays, le cinéaste danois, à partir d’une enquête d’un journaliste américain, ne cherche même aucune excuse au Kremlin et à la hiérarchie militaire. Dès le départ, il montre le problème des versements des salaires aux braves marins de son armée.
Le film se découpe en trois axes. Ce qui rend le récit compréhensible mais empêche sans doute une certaine dramatisation et une immersion certaine dans la tragédie. Mais ne reprochons pas cette simplicité. Car il s’agit bien d’un film politique, davantage qu’un film d’action.
Kursk est l’histoire d’un peuple déconsidéré. Des hommes s’exerçant à une guerre qui n’existe plus avec un matériel vétuste. Des épouses et des parents qui butent contre une information opaque, manipulée, mensongère. Dans cette transposition des faits survenus en 2000, avec un casting international de haute volée, le film est efficace.
Les marins emprisonnés dans les abysses, leurs femmes désinformées et un pouvoir qui, par orgueil, préfère ignorer l’aide internationale et niée son incompétence, forment un ménage un trois diabolique où chacun va y perdre, beaucoup. La défaite est cuisante pour tous. Mais les coupables sont désignés : l’oligarchie militaire russe.
Naufrage de la bureaucratie russe
Le cinéaste fait surgir l’accident nucléaire assez vite, furtivement, avec peu de suspens. Même si on en connait l’issue, il parvient d’ailleurs à maintenir une tension réelle pour ce qui est des survivants. C’est de loin, cinématographiquement, la partie la plus réussie, en huis-clos. A terre, la colère des proches gronde et la révolte emporte le spectateur.
Le Koursk est un tombeau au fond de la mer. Le film est à la fois un survival sous-marin, un drame politique citoyen et un sauvetage monté comme un thriller. Trois faillites qui s’enchevêtrent.
Outre les beaux plans aquatiques, une interprétation sans défauts et quelques séquences bien écrites, on soulignera que le scénario réussit toujours à nous faire croire à l’impossible (sauver les survivants), nous mettant ainsi à la place de ces femmes qui attendent que leurs maris reviennent.
Vinterberg n’oublie jamais, derrière le scandale d’état, de se placer à hauteur d’hommes, avec leurs contraintes, leurs contradictions, leurs convictions. Une machine militaire dépassée par l’exigence de transparence et l’émotion médiatisée, des citoyens écrasés par ce système et qui trouve encore la force de se rebeller : Kursk est un cauchemar pour tous, de ceux qui sont piégés en haute mer à ceux qui sont coincés sur terre.
Les fils de la patrie
On voit bien comment le réalisateur s’est approprié cette histoire, loin, a priori, de ses précédents films. Il y a inséré une histoire d’amour, un portrait de communauté, un récit d’injustice. Autant de thèmes qui traversent sa filmographie. Depuis Festen, il aborde aussi les questions de filiation et de responsabilités. Et c’est ce qui ressort de Kursk. Chercher une vérité dans un magma de désinformation et de rumeurs. Mais surtout s’attacher à ce qu’un père défunt peut transmettre à son fils. C’est cette relation filiale qui soutient tout le film, même si cela peut paraître un peu mièvre. Le scénario a cette tendance de ne pas faire dans la subtilité. Peu importe. L’efficacité prime et Kursk démontre à gros traits que cette tragédie, qui laisse veuves et orphelins démunis, est d’autant plus inacceptable qu’elle était évitable.
vincy
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