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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Voyage à Yoshino (Vision)
Japon / 2018
28.11.2018
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STILL THE FOREST
« Nous devons assurer la transmission.»
Il y a toujours cette forêt envahissante, protectrice, enivrante, et même mystique. Naomi Kawase sait filmer les arbres, et plus généralement les paysages (ici montagnards, isolés). Le chalet de Tomo, refuge isolé de la civilisation, ressemble à ceux déjà vus depuis Suzaku, son premier film. Plus personne ne traverse ses paysages abritant secrets et contes, mystères et croyances, superstition et sorcellerie.
La cinéaste japonaise est en terrain familier. Mais, dans son cinéma, il y a quelque chose qui ne s’assemble plus vraiment. Il manque une cohérence, une harmonie, qu’on appréciait (celle entre le docu et la fiction, entre les générations, entre le réel et le rituel, l’esprit et les sentiments, l’humain et la nature).
Or, depuis Vers la lumière, son précédent film, la réalisatrice s’enfonce dans le mélodrame endeuillé ou triste, où la romance impossible sert de flux dramaturgique. Les paysages sont immuables, et pourtant vivants. Les humains semblent morts, et pourtant si mobiles. « L’amour est comme les vagues. Il ne s’arrête jamais. Il est à la fois calme et en mouvement ». Le mantra est répété par deux fois de peur qu'on ne comprenne pas.
Ce Voyage à Yoshino est celui d’une Française dont le passé percute le présent, comme si le contact de cette forêt de Nara déterrait ce qu’elle avait enfoui. Le film s’appelle Vision à l’origine. Le nom d’une plante guérisseuse. Le synonyme d’une hallucination. Pour le coup, on hallucine de voir un film aussi indigne du talent de la cinéaste. Légèrement métaphysique, il souffre de dialogues très faibles, de scènes un peu faciles, d’un récit bien trop simpliste.
Les comédiens n’ont pas grand-chose à jouer en dehors de l’instant présent et de l’état d’ébahissement. Tout est un peu maladroit, à commencer par la formation du couple Jeanne/Tomo. Et on en vient à se demander l’intérêt d’avoir pris une actrice étrangère pour ce personnage.
A trop couper l’élan dramatique de questionnements personnels et existentiels convenus, la cinéaste oublie de nous emmener dans son périple et de nous emporter dans les tourments et les sentiments de ses personnages. Paradoxal pour une réalisatrice qui sait si bien allier la contemplation du monde avec les aspirations individuelles.
Kawase semble vouloir croire que son monde ne va pas s’effondrer alors même qu’elle filme une vieille femme aveugle qui prédit l’autodestruction de la civilisation. Ce film à la fois pessimiste et plein d’espoir, poétique et puéril, est trop banal pour nous emporter, pour atteindre la profondeur qu’il aurait dû atteindre. Les belles images n’allègent pas la pesanteur de l’écriture. Le spirituel est trop superficiel pour nous accrocher. Parfois, cela frôle avec le ridicule. On peut au moins en sourire.
Au final, une fois arrivé à destination, après une séance de chamanisme qui défiera les esprits cartésiens, la souffrance se consume et le miracle (individualiste) permet de retrouver la foi ou l’envie de vivre (peu importe, c’est un ego trip révélé par un trip égoïste). Le film aurait pu s’intituler La Forêt du deuil (littéralement la traduction de son film La forêt de Mogari). Mais depuis la mort de son aïeule, depuis Still the Water, Naomi Kawase cherche un chemin pour retrouver sa grâce. Pour l'instant, elle continue de s’égarer...
vincy
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