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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les Veuves (Widows)
USA / 2018
28.11.2018
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VEUVES MAIS PAS TROP
« Personne ne pense qu’on a les couilles pour aller jusqu’au bout. »
Cinq ans que l’oscarisé Steve McQueen était loin des grands écrans. Une si longue absence. Plus étrangement, il revient avec un film de « genre ». Sous ses allures de film de casse, voire de thriller, Widows (adaptation d’un roman britannique) est en fait un habile mélange de film noir, drame mélancolique et polar politique.
Le récit oppose finalement plusieurs entités : les noirs contre les blancs, les femmes contre les hommes, les honnêtes (victimes) contre les pourris (violents). On est en pleine campagne électorale, un cambriolage vire au cauchemar, et tous les candidats sont en fait impliqués.
Il ne faut pas s’attendre à un film de cambrioleurs classique. Steve McQueen poursuit son exploration des injustices et des obsessions qui nous conduisent à nous dépasser (ou à nous perdre). C’est à la fois un film sur le manque (d’éthique, d’honnêteté, d‘amour) et sur la volonté (de réussir, de se projeter, de faire confiance).
Si bien que sous ses oripeaux de film grand public, davantage que ses trois précédents, le cinéaste, qui s’ouvre de plus en plus à un cinéma populaire, creuse le même sillon, en reprenant d’ailleurs quelques-uns de ses éléments de Hunger (les vices de la politique ), Shame (la bourgeoise dans ses décors épurés qui plongent dans les bas-fonds et leurs tabous) et 12 Years a Slave (la condition des afro-américains dans une Amérique toujours dominée par les blancs).
Vices et vertus
Ce qui séduit dans Widows c’est bien entendu la mise en scène sophistiquée et singulière pour un film noir finalement assez classique dans son récit. Le prologue n’a rien à voir avec les procédés hollywoodiens habituels, alternant ici une séquence amoureuse suave et une poursuite mitraillée tendue.
Très vite McQueen insère les virus : le népotisme, le rapport père/fils, perdant/gagnant, la corruption, l’avidité, l’amoralité… Avec un scénario remarquablement construit et précis, il plonge quatre femmes dans une épopée qui les dépasse. Réellement féministe, égalitariste même, les mâles en prennent pour leur grade. Et ça fait du bien. Mieux que l’artificiel, consensuel et distrayant Ocean’s 8, ce Widows est au contraire dans la lignée des films qui veulent plaire tout en posant les problèmes qui rongent la société, montrer une voie positive tout en évoquant la toxicité des situations actuelles.
« Ce n’est pas votre monde »
Il suffit d’un plan séquence impressionnant où l’on suit la voiture du candidat WASP qu’on ne voit pas mais qu’on entend discuter) pour comprendre les quelques blocs qui séparent le quartier des afro-américains pauvres des résidences cossues des blancs. C’est un monde d’argent, d’avidité, de cupidité, d’avarice qui est décrit. Le fric les rend fous.
Entre ceux qui ont trop réussi et ceux qui ont trop échoué, les manipulateurs et les ultra-violents, les fourbes et les impatients, les femmes ont finalement le temps de dégommer toutes ces quilles d’un coup de boule. Le réalisateur laisse ainsi le temps d’installer les enjeux, de détailler la psychologie de ses personnages, de dessiner ainsi leur dose de souffrance et de chagrin, de ne pas tricher sur leurs sentiments (elles ne sont pas les meilleures copines du monde).
La confiance est impossible et la trahison partout. Avec un twist inattendu au deux tiers du film, on comprend même que les destins sont brisés bien avant le début de cette histoire. C’est une longue et lente transmission du mal, comme un poison qui s’installe avec le temps, qui porte toutes ces vies : de père en fils, au sein d’un couple, de mère en fille, … les coups sont physiques ou verbaux : le mal est similaire. C’est en cela où Widows est un film post #MeToo. On peut être agressé par un poing ou une parole. Les maux sont identiques.
Avec son rythme syncopé comme un blues, ponctué d’accélérations et de séquences de blues, le film transforme la douleur du deuil en colère difficile à contenir. Le casse ne survient qu’un quart d’heure avant la fin. Les femmes sont prêtes à tout pour prendre le pouvoir.
Et comme c’est un film noir, tout est moral, même dans le mal. La vengeance peut-être éthique. Et le final macabre n’exempte pas les protagonistes de rester dignes. Des veuves pas forcément joyeuses, mais des veuves bien décidées à ne pas être enterrées avec leurs époux défunts. Ce n’est pas le spectacle d’un film qui nous gaverait par son gras et son sucre, mais bien un plat qui se mange froid, avec un certain régal.
vincy
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