Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Assassination Nation


USA / 2018

05.12.2018
 



LES SORCIÈRES DE SALEM (2.0)





Je m'appelle Lily Colsen et j'ai 18 ans, et je vais vous raconter comment ma ville a perdu la tête...

Bienvenue dans l'âge ingrat de cette nouvelle génération Z de millennials qui se regarde le nombril et celui des autres sur les réseaux sociaux, cet internet qui fait le baromètre des scandales du jour. Dès son introduction Assassination Nation annonce que des évènements vont s'emballer vers une hystérie collective, des milliers de messages privés ont été piratés et vont être exposés à tous, avec des conséquences violentes. En apparence voila un nouveau film à sensations fortes pour adolescents mais c'est bien plus que ça puisqu'il s'agit aussi d'une satire contre une certaine Amérique pro-Trump et une allégorie d'un féminisme dominant. Bienvenue en zone de turbulences...

Assassination Nation joue beaucoup avec les mots : déjà ceux du titre, surtout la voix-off de l'héroïne principale qui se fait narratrice, mais aussi ceux des messages envoyés ou lus sur les réseaux. Les évènements sont racontés, discutés et commentés autant entre copines que sur internet. Les plus jeunes ont l'habitude de partager les selfies sur Instagram, le viral sur Facebook, le bad buzz sur Twitter, les scandales via 4chan. Tout ce qui est personnel et intime reste privé via différentes messageries. Ce qui met le feu au poudre dans cette petite ville de Salem, et qui conduira à une folle chasse aux sorcières, est justement le piratage de quantité de fichiers de données de conversations alors publiées sur internet à la vue de tous, soit un leak lourd de scandales. En modernisant le mythe des Sorcières de Salemn, Sam Levinson montre que finalement rien ne change vraiment dès lors qu'on se laisse dicter ses opinions.

Mais c'est surtout le mensonge qui est ciblé. Le Fake. L’homme politique local aux positions anti-LGBT est désormais vu sur des photos en travesti pervers, le directeur du lycée se retrouve accusé de pédophilie, la ville est secouée par ce piratage. Les secrets et les infidélités de plusieurs milliers de citoyens deviennent exposés. En particulier des photos coquines d’une adolescente à un père de famille marié, peut-être cette lycéenne Lily Colsen ? Ce piratage sera l’étincelle qui fera exploser le puritanisme de façade de Salem...

Le scénario est habile et cynique, la mise-en-scène est rythmée et dynamitée (split-screen lors d’une fête pour observer en même temps différents personnages, textes des emails sur l’image, long plan-séquence pour l’attaque d’une maison, du sang qui gicle…), Assassination Nation est autant fun et drôle pour la forme que férocement subversive pour le fond. On y parle de l’injonction d’apparaître toujours belle en photo et de jouissance féminine, de tuerie dans un lycée et des victimes d’armes en circulation, de cyber-réputation et de harcèlement, de viol et même de lynchage façon Ku-Klux-Klan et surtout d’un machisme toxique oppressant… Il y a du Harmony Korine et du John Hugues gore.

Le cinéaste Sam Levinson avait déjà été remarqué pour sa dissection de la famille avec le drame Another happy day en 2012. Si Assassination Nation se montre outrancier et provocateur, et bien entendu "un peu" violent, c’est sans aucun doute pour interpeller autant les hashtags #HatersGonnaHate que les #GirlPower qui à force d'être abusés textuellement se vident de leur sens.
 
Kristofy

 
 
 
 

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