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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Cassandro, the Exotico!
France / 2018
05.12.2018
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MASQUES
Un documentaire sur une personnalité inconnue et un sport tout aussi ignoré peut s’avérer une gageure. Cassandro The Exotico ! porte bien son nom : il y a dans son sujet quelque chose d’exotique. Parce que la lucha libre, la lutte libre, sorte de catch mexicain, n’est pas un spectacle familier. Parce que Cassandro, champion mondial en la matière, est un personnage proprement queer, à la fois baroque et excentrique, banal et brisé.
Marie Losier dresse un portrait dédoublé d’un sportif qui a du cogner un peu plus fort que les autres pour se faire respecter. Petit mais costaud. En slip moulant (et coloré), cape et autres accessoires de superhéros. En tournée mondiale comme les rock-stars. En idole de son sport. Cassandro est un objet d’art insolite, une silhouette de pop culture. Voilà pour la lumière. Et puis il y a l’ombre : la solitude, véritable souffrance que la caméra capte avec un naturel troublant. Le corps, bien cassé, fracturé, cicatrisé, abimé, maltraité et endolori. Un corps qu'il faut réparer, loin des rings.
Pour essayer de trouver un équilibre, Cassandro a la foi. Celle de ces Vierges en toc, héritées d’un catholicisme conservateur, ou celle d’un chamanisme, ancré dans ses terres amérindiennes. C’est un homme traversé par une fêlure intérieure, et qui ne cesse de passer les frontières (et pas seulement celle entre les Etats-Unis d’Amérique et le Mexique).
Un homme libre
En gagnant sa confiance durant plusieurs années, Marie Losier rend la carapace du catcheur friable. Il s’abandonne devant la caméra, ou par skype, pour se confier de plus en plus intimement. Elle le filme dans son quotidien comme dans ses moments de gloire. Elle utilise des archives du sportif et saisit au vol des images de son environnement : une zone latino-nord-américaine où le soleil écrasant et la poussière omniprésente ont une allure post-apocalyptique.
Mais le documentaire prend de l’ampleur à travers deux angles inattendus. D’abord avec la mise en scène de la cinéaste franco-new yorkaise qui amène progressivement son portrait dans des zones d’inconfort enthousiasmantes, comme ces images oniriques où Cassandro erre dans le désert ; ou sa mort mise en scène, dans un rituel ensorcelé et une imagerie mystique, qui fait le lien entre sa culture et son art.
Cette manière de transformer Cassandro en acteur, en objet de cinéma, lui donne une dimension presque grandiose, pas loin d’une folie mégalomane ou d’un narcissisme drôle. Elle l’entraîne dans une rêverie qui lui fait fuir le réel (ses manques d’affection, ses périodes de convalescence).
De là, en le filmant comme un Liberace qui se croit en permanence sur scène, elle le conduit, en fait, loin de ce soleil brûlant qui lui cramera sa cape. Laissant tombant l’armure, Cassandro se dévoile par petites touches et derrière les masques, révèle ses angoisses et ses peurs, laisse échapper quelques pleurs. Ses confidences et ses croyances s’harmonisent alors pour rendre le personnage réellement touchant. Après avoir insufflé son énergie, Cassandro fournit au film une belle émotion. Car au-delà de ses douleurs, physiques et morales, il démontre une soif de liberté qui n'est pas loin du sentiment de fierté.
vincy
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