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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Bookshop
France / 2017
19.12.2018
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THE SHOP AROUND THE CORNER
« Elle avait réalisé son rêve et ils lui avaient arraché. »
Isabel Coixet nous a plutôt habitués jusqu’ici à des œuvres sensorielles, en dehors de ses nombreux documentaires. Dans la veine des films de Naomi Kawase, la cinéaste catalane, aimait jusqu’à présent nous plonger dans des destins dramatiques confrontés à des situations extrêmes : le décalage culturel, la maladie, l’environnement hostile…
Et comme Kawase, Coixet opère ici un virage vers un cinéma plus grand public, avec un formalisme moins audacieux. The Bookshop pourrait être ainsi son délices de Tokyo : un drame consensuel et léger autour d’un personnage attachant, avec une narration classique.
Ce film britannique, presque sage, ne manque pas de qualités. A commencer par son casting, de la merveilleuse Emily Mortimer, aussi combattante que mélancolique, l’extraordinaire Bill Nighy, parfait en ermite bibliophile, et Patricia Clarkson, aristo arrogante et perfide, jouissive.
Nous voici dans un village maritime, où la population n’a pas le temps de lire. Une jeune veuve y ouvre une librairie. Une boutique comme les autres ? Pas vraiment : les livres peuvent être un plaisir personnel mais ce sont aussi des moyens d’émancipation et de transformation individuelles.
Cette librairie devient donc un champ de bataille, avec, comme déclencheur d’une drôle de guerre, le fameux et sulfureux roman de Nabokov, Lolita.
Lorsqu’elle dépeint les villageois et les notables, Coixet se met dans les pas de Renoir, avec ce qu’il faut de distance et d’empathie, pas loin de la caricature croquignolette et du tableau dépeignant la condition humaine.
Grâce à son personnage principal, cette jeune libraire déterminée et passionnée, le film est moins conventionnel qu’il n’y paraît. L’humour très british et les personnalités, aux caractères bien trempés, un peu décalées font flirter ce récit plus ou moins prévisible avec une comédie sociale pas forcément morale.
La mise en scène est élégante, fourmillant de petits détails qui subliment des plans a priori banals. Un vêtement, un objet, un livre valent mieux qu’un long discours explicatif.
Si l’ensemble n’a rien de transportant, on se laisse embarquer par le charme de The Bookshop. Sans doute aussi parce que l’on voit comment les puissants agissent, avec une population complice, pour écraser les faibles, comment la culture est une denrée dangereuse, qui pourrait déstabiliser les classes supérieures en donnant du savoir et de l’esprit au peuple.
Certes, Coixet ne va sans doute pas assez loin dans cette voie, restant sans doute trop collée au livre dont le film est l’adaptation, elle démontre malgré tout comment la culture résiste au fil des ans, même quand on la croit morte.
vincy
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