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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'homme fidèle
France / 2018
26.12.2018
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SOUPÇONS
« - C’est assez rare un médecin gay, non ?
- Vous pensez que je devrais l’inscrire sur ma plaque ? »
Louis Garrell inverse les rôles. Finalement L’Homme fidèle est peut-être le premier film français post #MeToo, et s’inscrit dans un bel enchaînement qui passe par Le grand bain, Amanda ou encore Nos batailles, où le mâle alpha laisse place à une masculinité vulnérable et presque romantique.
L’homme fidèle n’innove en rien sur la forme. Un dialogue de vive voix qui se substitue à une voix off, un phrasé presque littéraire, ou théâtral, qui rappelle les questionnements existentialistes de Godard ou les marivaudages de Rohmer ou les errances de Rivette. Garrel, fils de, revendique cet héritage de la Nouvelle vague. Même à sa manière de filmer les beaux quartiers de Paris, ceux bien tranquilles où l’on peut encore circuler en voiture et ne pas croiser de banlieusards, il cherche un décor pacifié, presque abstrait, où seuls les personnages comptent dans l’image.
Il y apporte cependant une modernité. C’est le fondement de son récit. Ainsi, il débute avec une trahison, une infidélité. C’est la femme qui trompe. D’ailleurs ce sont les femmes qui domptent, dominent, manipulent, décident. C’est proprement l’homme qui se laisse promener, jusqu’à être complètement paumé.
Mais, si on revient à cette trahison originelle de la femme (Laetitia Casta, dans son plus beau et son plus grand rôle, assurément), Louis Garrel écrit une rupture sur un mode doux, sans aucune colère. Une simple discussion sans heurts. Ce qui ne retire rien à la brutalité de la situation. Il subit. Elle dicte les règles. Il a sans doute été intelligent mais a-t-il compris ?
« C’est elle qui décidera »
Tout le film repose sur cette première séquence. La jeunesse alors s’éloigne. Le passé simple fait place au présent.
On entre alors dans le vif du sujet : un triangle amoureux entre l’ex, la sœur de celui qui a volé cette ex, et lui. Comme dans un livre d’image, on suite attentivement la lecture de cette romance.
D’un côté, un amour qui ne s’est jamais effacé, de l’autre un amour qui a toujours été fantasmé. Blessures jamais cicatrisée et plaies prêtes à s’ouvrir au moindre coup de couteau. Le trio ne fait pas un mélo. C’est plutôt un jeu de l’amour (et du hasard, puisque cela s’est joué à pile ou face) et des liaisons dangereuses, avec un gamin mali et mytho en intrus.
Garrel maîtrise si bien son scénario qu’il y amène de la légèreté, de la fantaisie, des quiproquos, des petites digressions mêmes sous forme de gags (les scènes au restaurant, le médecin au nom de fleur). Car de ces rêveries et de ces amours non dits, de ces mensonges qu’on se raconte et de ces vérités dont on se convainc, surgissent une sincérité des sentiments. Une connaissance de soi-même aussi.
Tout cela reste élégant et courtois, poli et bourgeois. Une rivalité entre deux femmes qui est sans doute cruelle, mais jamais mortelle. L’homme n’est qu’un appât entre deux prédatrices insatisfaites.
Aussi L’homme fidèle, sous ses apparences de drame de la vie conjugale a plutôt l’allure d’un thriller romantique autour de destinées sentimentales. Ce qui n’empêche pas la drôlerie. Notamment lorsqu’il va jusqu’au bout de son masochisme, en atterrissant aux pieds de la dominatrice, dressée sur ses talons aiguilles. Une belle déclaration d’amour où il consent à se soumettre à l’emprise des femmes.
vincy
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