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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Tout ce qu'il me reste de la révolution
France / 2019
06.02.2019
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LA LUTTE FINALE
"Virée du jour au lendemain par des patrons de gauche, il y a de quoi être en colère !"
Tout ce qu’il me reste de la révolution est une fable ultra-contemporaine qui dresse le bilan idéologique d’une société en partie persuadée de la mort des idéologies. Le constat est plus doux qu’amer, mais il n’empêche pas une certaine désillusion traitée sur le mode de l’autodérision, et surtout une mélancolie qui baigne joliment le récit. Le personnage principal se bat avec acharnement pour ses convictions, quitte à perdre tout le reste de vue. La voir promener sa « pureté » militante dans une société qui ne lui renvoie que violence ou moquerie pose la question du principe de réalité : peut-on encore croire en quelque chose dans un monde tel que le nôtre ? Et comment lutter face à la désagrégation de toutes les formes d’engagement ou d’idéaux ?
C’est par le biais d’un humour salvateur, et parfois potache, que Judith Davis dédramatise ce portrait vitriolé d’un monde qui tourne à l’envers, courant tranquillement à sa perte. Les dialogues sont ainsi particulièrement enlevés, apportant systématiquement un contrepoint léger à la brutalité des situations. C’est le cas par exemple lorsque la jeune femme se fait licencier sans raison, ou quand son groupe d’action s’en prend au système financier en occupant une banque. On rit donc souvent devant cette vision pleine de fantaisie de quelques irréductibles tentant (sans grand succès, il est vrai) d’agir pour changer le monde. On aime particulièrement les réunions du groupe de réflexion qui ne mènent pas très loin, et se moquent gentiment de l’impuissance des individus à agir en dehors d'un cadre strict, forcément déjà un peu dégradé. Et surtout, on aime l’idée que le film ne joue jamais les gens les uns contre les autres. Au contraire, le groupe intègre peu à peu tout ceux qu’ils rencontrent, qu’ils partagent leurs idées ou non. Même s’ils ne font pas grand chose, même si leurs idées sont farfelues et leurs principes parfois naïfs, ils prennent le temps d’être ensemble et d’essayer. Première étape logique et indispensable quand on veut changer le monde.
C’est ce sens du Collectif qu’interroge le film, avec une certaine efficacité. Car même si certains ressorts de l’intrigue fonctionnent moins bien, par exemple l’histoire familiale inutilement compliquée et la révélation soudaine sur le départ de la mère, ils permettent surtout d’égrener des thèmes primordiaux et générationnels : faut-il abandonner ? Trouver une autre manière d’agir ? Peut-on renier la lutte en elle-même, mais continuer d’en appliquer les principes au quotidien ?
L’une des plus belles scènes du film est paradoxalement le discours ultra-libéral du beau-frère, sorte de consultant kamikaze à bout de nerfs. Son explosion finale, sorte de justification sans filtre des pires mécanismes du monde du travail, permet à la fois de dénoncer une vision du monde au cynisme mortifère et caduque, et d’en montrer directement les ravages sur cet homme brisé qui a essayé de s’y conférer. Bien sûr,Il sera facile de contrer l’argumentaire du film en l’accusant de naïveté, ou peut-être même de démagogie. Pourtant, on ne peut s’empêcher de penser qu'Angèle et les autres auraient leur place dans les mouvements sociaux actuels, avec ou sans gilets jaunes, leur sincérité et leur ras le bol comme meilleur étendard. MpM
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