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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Celle que vous croyez
France / 2019
27.02.2019
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L’ÂGE DE LA DÉRAISON
Safy Nebbou aime les personnages obsessionnels, qui se perdent, dans une forêt de Sibérie, un piège qui se referme ou une relation toxique. Il n’est pas surprenant qu’il ait voulu adapter le roman de Camille Laurens, Celle que vous croyez. Le personnage double de Claire/Clara lui offre un thriller aux accents hitchcockiens, où l’identité trouble affronte le passage du virtuel au réel, de la résistance à la résignation, du mensonge à la vérité. Le mensonge concernant aussi bien soi-même que celui aux autres.
Le titre est d’autant plus intéressant qu’il joue sur une ambiguïté. Celle que vous croyez renvoie le spectateur et les autres personnages du film à ce mensonge : Claire s’est créé un double sur les réseaux, Clara, pour draguer un jeune homme, dont, finalement, elle tombe amoureuse. Celui-ci croit que Clara existe et ignore tout de Claire. Clara est l’avatar jeune d’une quinquagénaire qui n’accepte pas le couperet de l’âge.
Et c’est là, la deuxième façon de lire le titre. Celle que vous croyez s’adresse aussi à Claire. Elle croit qu’elle est Clara, elle croit qu’elle a encore la vingtaine. Elle croit à ce personnage inventé parce qu’elle est amoureuse d’un homme qui aime sa fausse identité.
Juliette Binoche est parfaite pour le rôle, passant du sourire naturel et envoûteur aux angoisses plus dramatiques, de la séductrice qui s’amuse à la femme terrifiée par l’abandon. Névrosée, paumée, son itinéraire nous semble bien plus intéressant que les stéréotypes sur les réseaux sociaux – le scénario aurait mérité d’être un peu plus critique sur le sujet - et le suspens parfois malhabile, à l’image d’un rythme tantôt haletant, tantôt pesant.
Le jeu de miroir que Nebbou propose, s’il n’est pas complètement abouti et si la réflexion aurait pu être plus profonde, parvient malgré tout à refléter un air du temps et les abimes dans lequel il nous entraîne. Le cinéaste semble s’être freiné sur les excès induits par cette liaison dangereuse et faussée, atténuant l’emprise, édulcorant la passion. Pourtant, c’est parfois incisif et c’est souvent lucide. Et le désir, même s’il manque de chair dans cette lumière froide, est suffisamment palpable pour mettre de l’énergie dans ce vertigineux portrait de femme pas vraiment conventionnelle.
C’est d’ailleurs cette facette – la vérité, la lucidité, l’affranchissement des règles qui poussent Claire à ce jeu avec son je - et toutes les peurs qui accompagnent cet escape game de l’ego, que maîtrise le mieux le réalisateur, à travers l’échange psychanalytique (avec Nicole Garcia, superbe dans le rôle d’une psy déstabilisée dans ses certitudes et son savoir). Cette dialectique est autrement plus foisonnante et enrichissante tant elle pointe les dysfonctionnements d’une humanité dépassée par sa propre évolution.
vincy
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