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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Wardi (The Tower)
/ 2018
27.02.2019
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HORS DU MONDE
« Au moins les chiens peuvent rester ! »
Wardi de Mats Grorud s’inscrit dans la lignée de films d’animation sortis récemment, comme Chris the Swiss d’Anja Kofmel ou Parvana de Nora Twomey, qui utilisent le vecteur de l’intime pour parler des réalités du monde contemporain. En situant son intrigue dans un camp libanais où cohabitent quatre générations de Palestiniens en exil, le réalisateur norvégien donne en effet à voir le quotidien de ces éternels réfugiés, tout en revenant sur les grandes étapes du conflit israélo-palestinien, et la question épineuse du droit au retour.
Quoiqu’un peu systématique à la longue, la construction du film est efficace, chaque rencontre donnant naissance à un récit relatant un épisode historique et faisant ainsi alterner temps présent et flashbacks (réalisés en animation 2D pour contraster avec l'univers de marionnettes et d'animation en volume des sections se déroulant dans le camp). On sent ainsi la volonté du réalisateur de distinguer le conte allégorique un peu naïf, articulé autour de la fillette et de son arrière grand-père, des parties qui s’inspirent des histoires vraies recueillies par le réalisateur auprès d’habitants d’un de ces camps. Le film montre notamment avec précision que pour ceux qui sont nés ici, les options sont peu nombreuses : reprendre le flambeau de l’hypothétique retour (matérialisé par la clef que l'arrière grand-père transmet à Wardi), espoir qui s'amenuise de génération en génération, se révolter, se résigner, ou fuir à l'étranger pour une autre forme d'exil définitif.
Bien sûr, on peut reprocher à Mats Grorud de jouer en permanence sur la corde sensible, quitte à réintroduire une dose importante de fiction (avec ce que cela induit d'effets scénaristiques parfois maladroits, notamment avec la mort de l'arrière grand-père) dans un récit pourtant basé sur des témoignages suffisamment forts en eux-mêmes. Mais il parvient à retracer avec intelligence l'histoire de ces réfugiés de naissance, dressant un tableau sincère, et complexe, de leur impossible situation.
Lorsqu’on a découvert le film à Annecy en juin 2018, il s’appelait encore La Tour, en référence à celle dans laquelle habite symboliquement la famille ("à chaque génération, un nouvel étage"), mais aussi plus métaphoriquement pour rappeler les différentes strates d'histoire, collective comme individuelle, qui forment le terreau des nouvelles générations d’exilés. Elles qui ne peuvent même pas se dire « palestiniennes » (leur passeport indique « réfugié »), sont physiquement et juridiquement dans un no man’s land plus révoltant à chaque fois qu'une nouvelle génération y naît.
MpM
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