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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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We The Animals
USA / 2018
13.03.2019
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JONAH'S BROTHERS
Avec We the Animals, Jeremiah Zagar signe un très bel essai sur la masculinité toxique. En salle depuis le 13 mars, son premier long métrage de fiction est à ne pas manquer. Explications.
Un drame familial
Cadet d’une fratrie de trois jeunes garçons épris de liberté, Jonah tente de vivre et de survivre. De milieu modeste et à l’écart de la ville, ses parents, ses frères et lui s’aiment d’un amour passionnel et imprévisible. Souvent livrés à eux-mêmes, les deux frères aînés grandissent en reproduisant le comportement de leur père alors que Jonah se découvre progressivement une identité différente. Véritable moteur de film, cette dernière intrigue.
Très tôt, le spectateur sent cet enfant à part, comme inclus au sein d’une cellule familiale sans vraiment ressembler à celle-ci. Proche de sa mère, Jonah partage avec celle-ci une certaine douceur que l’on pourrait assimiler à de la trouille. C’est d’ailleurs ce que le père de Jonah campé par le très bon Raul Castillo (Looking) se dit avant de donner lieu à l’une des premières scènes graves du film. Plus que le journal d’un enfant, We the Animals décrit avec brio la manière dont la classe moyenne tente de s’en sortir, soudée et sans jamais vraiment voir la lumière. Une idée illustrée par cette tombe creusée au milieu du film…
Un film queer
Outre les mésaventures de cette famille de cinq qui a du mal à s’en sortir, We the Animals peut compter sur un prodigieux scénario écrit à quatre mains. En plus de tenir la caméra, Jeremiah Zagar s’est associé à Dan Kitrosser (Bar Crossed Lovers) pour raconter le début de parcours un peu chaotique d’un enfant qui ne mérite et ne demande qu’une chose : être aimé. Né dans un milieu hétérosexuel et hétéronormé, la gamin joué avec brio par Evan Rosado se fait le symbole de toute une communauté.
A la fois curieux et effrayé par ses propres pensées et désirs, Jonah ne saisit pas encore l’ampleur de ce qu’il se produit en lui. Une manière pour Jeremiah Zagar et Dan Kitrosser de dédramatiser la différence et de mettre des (futurs) parents devant le fait accompli : peu importe sa sexualité, votre enfant reste votre enfant. Le terme "queer" n’est jamais prononcé ou suggéré mais l’idée est là, omniprésente. Jonah n’est pas un gamin comme un autre, ses dessins le prouvent. Plus qu’un loisir, il y a dans ceux-ci une forme d’exutoire.
Un projet sur les hommes
A l’instar de nombreux autres films sortis ou à sortir cette année, Jeremiah Zagar s’est associé à Dan Kitrosser est peuplé de figures masculines. A travers celle du père outrageusement viril et brutal, le film présenté à Sundance décrit le mimétisme dont font preuve tous les enfants avec leurs parents. Du langage à la posture en passant par les regards, Jeremiah Zagar s’est associé à Dan Kitrosser joue avec l’idée que la violence engendre la violence.
Cette dernière est néanmoins traduite à l’image avec pudeur : quand des actes pornographiques ne sont pas "cachés" par des numéros de téléphone sur un écran, c’est l’imagination de Jonah qui se mue en court-métrage d’animation. Ses dessins prennent vie avec une élégance presque candide alors mêmes qu’ils décrivent des scènes de baise intense et de mises à mort. Si certaines scènes, propos et images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs, ce n’est pas pour rien.
We the Animals est premier film à la photographie presque malickienne et au sous-texte aussi puissant que celui de Moonlight. Que demander de plus ?
wyzman
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